Comment être de bons coparents en famille recomposée
Famille recomposée,  Heureux ensemble

Comment devenir de bons coparents, cette clé trop souvent négligée des familles recomposées solides

Le mot fait peur. Il sonne comme une injonction à remplacer l’autre parent, à s’investir, à s’impliquer comme une mère ou un père auprès d’un enfant qui n’est pas le sien. Pourtant, la coparentalité n’est rien de tout ça… Mais elle est la garante d’un couple et d’une famille recomposée solides, nous assure Gloria Repond Azinhaga, docteur en psychologie, auteure d’une thèse sur le sujet et du livre Familles recomposées – Du conte de fées à la réalité, témoignages et conseils concrets (édition Favre). Elle nous explique pourquoi et en quoi cela consiste.

Les Nichées : Vous avez consacré votre doctorat à la coparentalité dans les familles recomposées. Est-ce que recomposer une famille signifie automatiquement pour le couple de devoir devenir coparents ?

Gloria Repond Azinhaga: Oui, d’une certaine manière, vivre en famille recomposée va demander une certaine forme d’engagement coparental. Mais attention : la coparentalité dans une famille recomposée ne ressemble pas forcément à celle d’une famille de première union. Dans cette dernière, on retrouve un schéma traditionnel assez courant : deux parents biologiques à égalité, qui décident ensemble. En famille recomposée, cela peut être différent : il y a un parent biologique et un beau-parent qui ne se sent pas toujours légitime pour intervenir. Ce déséquilibre est au cœur des tensions qui peuvent émerger. Car contrairement aux premières unions qui peuvent également connaître une coparentalité “conflictuelle”, dans la recomposition, il y a un coparent qui se sent plus légitime que l’autre à intervenir, et un autre qui sent qu’il n’a pas toujours son mot à dire… alors qu’il aimerait avoir son mot à dire.

Les Nichées : Est-ce ce qui explique qu’un beau-parent qui peut se sentir “mis sur la touche” et finit par se mettre en retrait ?

Gloria Repond Azinhaga: Absolument. Beaucoup de beaux-parents « rongent leur frein » sans que la situation ne devienne explosive. Ils vivent sous le même toit que l’enfant, partagent son quotidien, mais n’osent pas s’impliquer pleinement. Soit parce qu’ils ne se sentent pas légitimes justement, soit parce que le parent biologique leur renvoie cette illégitimité, en ne leur permettant pas de prendre un rôle actif dans le quotidien de l’enfant. Certains parents ne sont pas capables d’entendre les demandes ou alertes du beau-parent et vont avoir tendance à répondre des phrases du type : « Tu viens de débarquer dans sa vie, mais moi, mon fils je le connais depuis toujours. » 
C’est d’autant plus vrai que les parents ont souvent tendance à vouloir protéger l’enfant après la séparation. Ils se retrouvent ainsi souvent tiraillés : d’un côté, ils entendent ce que dit leur conjoint, mais ils ne veulent pas braquer leur enfant. Ce tiraillement crée une tension constante, parfois invisible, mais bien réelle.

Les Nichées : Vous pensez malgré tout qu’une forme de coparentalité entre le parent et le beau-parent est indispensable ?

Gloria Repond Azinhaga : Oui, même si elle est asymétrique ! J’aime dire que le parent est “l’actionnaire majoritaire”, et le beau-parent est en soutien. Il ou elle applique les décisions prises « en haut » par le parent, mais participe à transmettre un message commun à l’enfant. Cette « participation », c’est déjà de la coparentalité ! Elle n’est pas fondée sur une égalité stricte, mais sur la coordination et la cohérence.

Les Nichées : Et pourtant, certains beaux-parents assument mal voire rejettent cette idée de coparentalité…

Gloria Repond Azinhaga: Le terme « coparentalité » peut faire peur. Il évoque un rôle qui pourrait être compris comme « remplacer » celui du parent biologique. Mais ce n’est pas ça du tout ! La coparentalité entre parent et beau-parent ne remplace pas la coparentalité entre les deux parents biologiques, elle s’y ajoute. Elle concerne les règles du quotidien : l’enfant doit-il débarrasser son assiette, finir ses légumes, a-t-il le droit de sortir après l’école ? Ces questions apparemment anodines exigent coordination, discussion et accord. Le beau-parent doit donc travailler conjointement avec le parent afin de transmettre un message commun et cohérent à l’enfant.

Les Nichées : Concrètement, que signifie être coparent quand on est beau-parent ?

Gloria Repond Azinhaga : Cela signifie s’impliquer dans la vie quotidienne familiale. Mais aussi, du côté de l’ex-conjoint, accepter de lâcher prise : ce qui se passe dans le foyer recomposé ne relève plus de son autorité.
Pour le couple recomposé, cela signifie qu’il faut avoir des discussions claires très tôt sur la place de chacun, ses besoins et ses attentes : par exemple, qui signe le cahier de liaison ? Qui lit l’histoire du soir ? Chacun doit pouvoir verbaliser ses attentes de manière très explicite. J’ai vu des pères attendre de leur nouvelle compagne un rôle quasi maternel, sans jamais en discuter. Or, certaines belles-mères s’exécutent une fois, deux fois — lire Tchoupi un soir — et cela devient une habitude qu’elles n’ont peut-être pas souhaitée. 

Les Nichées : Ce flou peut-il vraiment mettre le couple en danger ?

Gloria Repond Azinhaga : Oui. Il y a un vrai risque quand les attentes sont implicites. Le beau-parent peut avoir l’impression qu’on attend de lui ou d’elle un rôle qu’il ou elle n’a pas choisi. Il faut que le couple ait des conversations franches. Par exemple : « Je ne veux pas lire d’histoires tous les soirs, je ne suis pas sa mère. » Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est un besoin d’authenticité. Une manière d’énoncer et de faire respecter ses besoins. Et c’est indispensable pour avancer à deux.

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Rédactrice depuis presque 20 ans, Coralie s'est spécialisée dans les sujets lifestyle et tout ce qui touche la famille (société, psychologie, éducation, développement de l'enfant, bien-être...). Mère et belle-mère, elle chronique régulièrement sur Les Nichées ses coups de coeur et sa vie en famille recomposée.