Relation parent-enfant : surmonter les contre coups de la séparation
Parent séparé

Relations parent-enfant : surmonter les contre-coups de la séparation

Un divorce est une déflagration dans la vie d’un adulte comme dans celle de l’enfant du couple. En découlent du stress, de la tristesse, de la colère parfois, mais aussi des émotions plus troubles qui viennent durablement saper les relations parents-enfants et les efforts pour reconstruire l’après, ensemble. Comment surmonter le sentiment d’échec ? Se débarrasser des freins qui nous empêchent d’aller de l’avant. Les réponses de Doriane Boudeville, psychopraticienne, pour conserver malgré la tempête des relations équilibrées avec ses enfants.

Comment surmonter le sentiment d’échec qui nous colle souvent à la peau après une séparation, que l’on ait souhaité cette séparation ou non ?

Doriane Boudeville : Le sentiment d’échec fait partie, avec la culpabilité, des émotions multiples et complexes qui naissent au moment de la séparation. Le premier piège qu’elles nous tendent c’est qu’on va les ressentir, parfois très fortement, mais sans pour autant réussir à mettre un mot dessus. 
La première étape, indispensable, est déjà de parvenir à les identifier dans le malaise que l’on ressent. 
Deuxième étape, ensuite : comprendre pourquoi ce sentiment arrive et nous envahit. Pourquoi l’idée d’échec est-elle si vive ? Est-ce parce que nous avions un schéma familial très fortement ancré en nous ? Parce que nous étions profondément convaincu qu’on allait vivre toute notre vie avec notre conjoint ? 
On peut changer et mettre ce sentiment d’échec à distance quand on en prend conscience, quand on comprend de quoi il se nourrit. Mais aussi si on accepte la souffrance qui va avec. Cela signifie tout simplement s’accepter comme on est, accepter les moments de souffrance, et accepter d’évoluer dans sa vie pour le dépasser.

Pourquoi est-il important de s’en débarrasser ? En quoi est-il dangereux pour la construction de notre vie d’après, et pour nos enfants ?

Doriane Boudeville : Le problème, notamment, c’est que l’enfant va le ressentir : il va se rendre compte que son parent vit très mal les choses, et le sentiment d’échec va se traduire par une déception de sa vie. L’enfant va se poser des questions… et peut aller jusqu’à se demander s’il n’est pas la cause de cet échec : “est-ce que ce n’est pas à cause de moi ?”
Il est donc important que le parent puisse exprimer ses émotions de son côté, et expliquer que non, l’enfant n’est pas en cause. Cela va le rassurer sur le fait que son père et sa mère l’aiment toujours très fort, (c’est toujours la crainte numéro 1 des enfants) et qu’ils ne se sont pas séparés à cause de lui.
Ensuite, l’objectif, c’est de transformer ce qu’on pense être un échec en un renouveau. Une occasion d’inventer une autre vie, différente. C’est une super leçon de vie pour l’enfant à qui l’on va ainsi apprendre, par l’exemple, que l’on peut toujours évoluer, changer… N’oublions pas que nous sommes un modèle pour eux, qu’ils apprennent davantage en observant ce que nous faisons qu’en écoutant ce que nous disons. Montrons-leur que l’on peut dépasser les échecs. Même les plus douloureux.

Doriane Boudeville est psychopraticienne à Boulogne (92). Elle accompagne notamment les enfants et les adolescents dans leurs difficultés mais reçoit également beaucoup de parents séparés qui peinent notamment à équilibrer leurs relations avec leurs enfants et à reconstruire une vie harmonieuse après le divorce.
Plus d’infos sur psy-boudeville.com

L’autre grand sentiment négatif, c’est la culpabilité. Les parents séparés culpabilisent beaucoup de l’échec du couple, de faire subir la séparation aux enfants, de la vie d’après… Comment faire face à ce sentiment qui peut durer parfois très longtemps ?

Doriane Boudeville : La culpabilité est un sentiment extrêmement répandu malheureusement, chez les parents séparés. C’est simple, quand c’est nous qui sommes partis, on culpabilise d’avoir gâché la vie de nos enfants. Et quand on est quittés, on culpabilise de n’avoir pas réussi à faire ce qu’il fallait pour que le couple dure, que la famille tienne… Il est rare d’y échapper !
Le problème, c’est que la culpabilité n’est pas du tout facile à détecter ! Pourtant, elle nous joue de très vilains tours car la culpabilité du parent peut avoir un retentissement très fort sur l’enfant.
Comment ? C’est un sentiment assez fourbe : quand le parent culpabilise, il va d’un coup vouloir tout faire pour son enfant. Il va vouloir compenser (la séparation, les jours chez l’autre parent, etc..), il va, vouloir que chez lui, ça soit toujours super, que ça soit mieux que chez l’autre notamment.
Résultat : il va avoir du mal à développer son autorité, à mettre du cadre, des limites… pour éviter de décevoir l’enfant, pour éviter le conflit… Et tout ceci, sans que l’on s’en rende compte, va avoir un très gros impact sur l’enfant. Je le vois très souvent en cabinet : combien de parents me disent : « Je ne vois pas mon enfant très souvent, alors je ne peux pas lui dire “non” tout le temps quand il est à la maison ».
Parvenir à identifier le rôle de la culpabilité est un premier pas énorme. Il va nous permettre de nous rendre compte qu’elle crée des comportements inappropriés chez nous, en tant que parent. A partir de là, on pourra plus facilement se questionner. Qu’est-ce qui me pousse à agir comme ça ? Pourquoi je continue à agir comme ça ? Qu’est-ce que je veux contrebalancer ? Qu’est-ce que je veux rattraper ? Est-ce vraiment utile ? Efficace ?  Parfois, on va bloquer à cette étape : on va voir que ça ne va pas mais nous n’allons pas arriver à enclencher un changement. C’est à ce moment-là qu’il faut se faire aider. Car la culpabilité est très compliquée à faire disparaitre ?

Comment savoir qu’on est en train de faire le deuil de la relation ? Comment passer à l’étape suivante sereinement, avec ses enfants ?

Doriane Boudeville : La manière dont on va faire avancer le processus de la séparation et construire l’après est en général très révélateur. Quand on commence à mettre en place les grands points de la vie d’après – la garde des enfants, trouver un logement – c’est déjà assez révélateur (cela montre notamment que l’on ne se cherche plus d’excuses pour ne pas bouger). Se lancer dans ce cheminement concret, c’est se remettre en mouvement. Avancer.
L’autre critère important, c’est notre souffrance en tant que parent. Quand on va commencer à prendre plus de distance, quand on va parvenir à relativiser sur ce qu’il passe, c’est qu’une transformation est à l’œuvre. On sort la tête d’un moment pendant lequel, du fait de la séparation, tout était noir, négatif. Refaire des projets, se projeter dans l’après (logement, vacances, …) c’est remettre du positif dans sa vie et par la même occasion, c’est montrer aux enfants que l’on peut rebondir.

Un programme pour reprendre pied en 6 mois
Parce qu’elle voyait beaucoup de parents séparés démunis face aux difficultés de leurs enfants, Doriane Boudeville a décidé de lancer un programme dédié aux parents en cours de séparation ou qui viennent de vivre une séparation. Ce programme de 6 mois en tout, à suivre en présentiel ou en distantiel, alterne sessions de groupe et séances individuelles. Son objectif ?  Aider les parents qui traversent douloureusement leur séparation et qui craignent les répercussions négatives sur leurs enfants à se construire un futur serein.
Le premier cycle débute ces 5 et 6 mai 2024 (selon les modalités choisies). Pour en savoir plus sur New Family Project, c’est ici : https://www.psy-boudeville.com/new-project-family

Ce n’est pas évident, pourtant, de réinventer sa vie et en même temps, de prendre soin de ses enfants alors qu’on se sent soi-même un peu perdue ou insécurisée par tous ces changements. Comment faire pour les rassurer ?

Doriane Boudeville : L’enfant va surtout avoir besoin que ses parents l’aiment, qu’il sache quand il va voir son papa et sa maman, ses grands-parents. Qu’il comprenne quand il voit les uns et les autres. A partir du moment la séparation a été nommée, plus vite l’organisation pour l’enfant peut être stabilisée et expliquée, mieux c’est pour lui.
Ensuite, pour lui comme pour vous, je pense qu’il est important de remettre des rituels, de passer des moments ensemble, de remettre quelque chose de positif dans ce nouveau schéma familial. Retrouver des repères et surtout des  repères joyeux, même à deux, même sans papa ou maman, cela va lui permettre de renouer avec des choses “qui ne changent pas” et fort de ses nouveaux repères, il lui sera plus facile de retrouver un équilibre.

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.