Témoignages

Vie de belle-mère : « Aujourd’hui, j’ai moins peur d’être éjectée à chaque instant »

Nolwenn est devenue belle-mère jeune… et vite ! En quelques mois, dans un autre pays, elle s’est retrouvée à partager la vie de deux jeunes garçons. Et pour cette enseignante qui pensait bien connaître les enfants, ça a été une sacrée claque. Une formation sur la parentalité et un bébé plus tard, elle raconte l’évolution de son rôle de belle-mère et tout ce qu’elle a appris et qu’elle transmet maintenant à d’autres beaux-parents via des groupes de parole. Et demain, elle y travaille, avec un documentaire. Rencontre

Comment es-tu devenue belle-mère ?

Je vivais au Maroc, où j’avais trouvé un travail d’enseignant là-bas, quand j’ai rencontré Tony et ses enfants. Le contexte était un peu particulier, déjà car j’étais seule, loin de mon entourage, et assez isolée dans ce pays où je ne me sentais pas très bien. Mais particulier aussi parce que je suis devenue belle-mère d’enfants que je connaissais déjà (j’étais la maîtresse de l’un d’entre eux).

Je dirais que cela a rendu les choses étranges mais à la fois, plus simples car le lien avec les enfants était déjà là. A l’époque, ils avaient 10 et 7 ans, je venais de passer une année scolaire avec eux, puisque j’ai été la maîtresse du petit pendant un an. Et on avait une bonne connexion, même s’il a trouvé bizarre au début que je vienne habiter avec lui. Mais en tout cas, je ne sortais pas « de nulle part »

Comment s’est passé ce passage à la vie de belle-mère ?

Du fait d’habiter à l’étranger, tout s’est fait très vite, on a emménagé ensemble rapidement. Il avait ses enfants en garde alternée, une semaine sur deux… Alors on est rentré direct dans le vif du sujet ! De jour au lendemain, j’ai retrouvé des slips de petits garçons dans ma lessive. Je le raconte souvent ainsi parce que ça résume bien ces petits chocs qui me faisaient prendre conscience, d’un coup, de tout ce qui s’était déjà passé !

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi ?

Le plus difficile ? De me sentir seule ! Et encore, heureusement qu’on parlait beaucoup au sein du couple ! Et en même pas nous n’avions pas vraiment le choix : on était obligé de parler pour surmonter ce qu’on vivait ! Non, ce qui a été dur, c’est de n’avoir personne à qui parler. Pas d’entourage là-bas qui pouvait comprendre ce que je traversais. Je ne côtoyais que des gens qui étaient déjà parents. Et mes amies en France étaient bien loin de tous ces questions de famille recomposée : j’avais 24 ans, mes amies n’avaient pas du tout la même vie…

Qu’avais-tu le moins anticipé de cette nouvelle vie à quatre ?

Ce qui m’a énormément surprise, c’est tout ce que cela a fait remonté en moi. Je pensais hyper bien connaître les enfants, c’était mon métier, j’étais formée. Mais là, je me suis retrouvée à dire des choses que je ne pensais jamais pouvoir dire, à avoir des rigidités que je ne soupçonnais pas. Même face à des élèves. C’est le quotidien avec ces enfants qui a vraiment fait remonter beaucoup de choses de mon enfance.

Des bonnes surprises aussi ?

J’avoue qu’il m’a été facile d’être en lien avec eux : j’ai tellement aimé m’occuper d’eux au quotidien ! Lire des histoires, faire des câlins : j’ai été hyper touchée de la complicité qu’on a pu avoir, de ce truc qui s’installe, comme s’ils m’avaient ouvert les portes de sa vie. Avec le plus grand, on a créé une belle relation autour du dialogue.

Maintenant, ils sont plus grands, on a tous déménagé en France. Ils ne viennent plus qu’un week-end sur deux. Ce n’était pas notre envie, ce changement de rythme, mais on a dû s’y faire et on a créé un autre lien. Aujourd’hui, je peux dire que je m’entends vraiment bien avec eux.

Aujourd’hui, vous avez une petite fille avec Tony. Est-ce que ça a changé ta vie et ta vision de la famille recomposée ?

Maintenant, c’est elle qui nous relie, c’est vers elle qu’on regarde tous. Et puis, ça change un peu tout. Par exemple, certains week-ends avant, quand ils arrivaient le vendredi soir, je ressentais un petit malaise. C’était un moment qui me gênait, je restais dans ma chambre. Maintenant, ce n’est plus la même chose : ils ont envie de voir leur petite soeur, ils rentrent dans la chambre, me parlent. Et je suis hyper contente, ça nous rassemble. 

Surtout, ça a changé beaucoup de choses « en moi ». Je ne sais pas si eux perçoivent quelque chose de ce changement, mais moi, cela m’a apporté une forme de tranquillité, de sérénité dans mon rôle de belle-mère. J’ai moins peur d’être éjectée à chaque instant de leur vie. Cette peur de ne pas être aimée, d’être rejetée. Maintenant, ma place est là : je suis la mère de leur soeur. Résultat : je suis beaucoup moins stressée, plus tranquille. Je me dis qu’ils doivent le ressentir, d’une manière ou d’une autre.

Avec le recul, est-ce qu’il y a des choses que tu ferais différemment ?

Je suis arrivée dans leur vie alors qu’ils ressentaient encore beaucoup de souffrance de la séparation. Et à l’époque, je ne savais pas comment l’accueillir. Je ne savais pas quoi en faire. J’étais gênée et je pense que je n’ai pas su gérer quand ils exprimaient leur souffrance. Je repense notamment à ce que je ressentais quand ils avaient dit à leur père « Elle sera toujours là ? »… Ca a été tellement dur au début, cet immense brassage émotionnel.

Depuis, j’ai suivi une formation et je dispose des outils pour accueillir cette parole sans me sentir menacée. Aujourd’hui, il peut toujours y avoir des petites remarques qui sonnent comme ce « Elle sera toujours là  ? ». Mais maintenant, je ne le prends plus pour moi. Par exemple, dès que j’exprime un truc de moi, mon beau-fils me répond en me parlant de sa mère. Je ne dis pas que ça me fait rien, mais j’arrive à temporiser car je comprends le conflit de loyauté et ce qu’il implique. Je ne me sens plus visée, ni attaquée.

Est-ce que cela joue d’après toi sur la maman que tu es aujourd’hui ?

Je pense que ça m’a donné une assurance en plus dans mon lien avec les enfants. Sans compter que cela m’a donné de l’expérience pratique. D’ailleurs, l’un de mes beaux-fils me l’a dit : « en fait, tu as pu t’entrainer avec nous ! ». C’est vrai : ça m’a permis de faire des erreurs, d’apprendre. De voir les choses avec lesquelles j’étais ok ou pas ok. Tout ce tri sur les principes éducatifs que l’on doit faire quand on devient parent, on l’a déjà fait, en réalité, quand on a été beau-parent. L’expérience de belle-mère et ma formation m’ont permis défriché pas mal de trucs… Même si je me prends quelques claques quand même car le lien n’est pas le même ! (rires)

Aurais-tu un conseil à donner à une nouvelle belle-mère ?

Je lui dirais avant tout « Ce que tu vis ressens est légitime. Toutes ces choses contradictoires, tu as le droit de les vivre. Et tu as le droit de ne pas toujours trouver ça fun.

J’ai cru qu’on ne pouvait pas être blessé par la parole d’un enfant. Mais si. J’ai été blessé et j’ai eu beaucoup de honte de ressentir ça. C’était d’autant plus dur que j’étais seule face à ses ressentis, même si mon conjoint me soutenait. C’est pour cela que j’ai lancé des groupes de parole de beaux-parents en visio sur Instagram. Ce qui est ressorti des premiers groupes ? C’est ce sentiment de solitude qui est extrêmement partagé parmi les belles-mères. Dans les groupes, c’est souvent la première fois qu’elles ne se sentent pas jugés.

Aujourd’hui, tu as également un projet de documentaire sur les familles recomposées…

Ça fait un moment que j’y pense. J’ai suivi une formation pour être consultante en parentalité car devenir belle-mère m’a vraiment beaucoup questionné. Je cherchais des bouquins, je me posais tellement de questions sur un million de choses. Pendant cette formation qui a duré 3 ans, je me suis rendu compte que tout ce que j’avais vécu en tant que belle-mère, ça se passait pour toutes les belles-mères, tous les beaux-parents (ou pas loin). Que c’était quasi universel. Alors j’ai commencé à écrire… Aujourd’hui, je cherche des fonds. Mais j’ai plein d’idées et surtout, je sais ce que j’ai envie de montrer !

Pour découvrir les textes de Nolween sur la belle-parentalité ou s’inscrire à ses groupes de parole, direction son compte Instagram

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.