Faire un bébé en famille recomposée : pourquoi on a peur
Famille recomposée,  Heureux ensemble

Faire (ou pas) un bébé en famille recomposée : ce que disent nos peurs

Vous vous sentez étrangement réticent.e à l’idée de devenir parent dans votre nouvelle famille recomposée ? Votre partenaire ne semble pas emballé.e à l’idée de faire un bébé ? Vous ne comprenez pas, voire vivez mal, ces hésitations ? Nos peurs et réticences à (re)devenir parents n’ont souvent rien à voir avec l’amour que l’on porte à l’autre, bien au contraire. Une psychologue nous aide à voir clair dans les peurs qui nous habitent.

Emmanuelle Drouet, psychologue, mère et belle-mère, le dit tout de go : le plus important n’est pas tant ce que nos peurs disent, que ce qu’elles ne disent pas. “Rappelez-vous que nos peurs ou réticences à l’idée de faire un enfant en famille recomposée n’ont rien à voir avec l’intensité de notre amour. Face à un conjoint qui a déjà des enfants, on peut très vite se dire “il a déjà fait un enfant à une autre, c’est bien la preuve que moi, il ne m’aime pas assez”. C’est faux. Ce n’est jamais un bon révélateur de la quantité d’amour que l’autre nous porte. Parfois, on peut avoir très fortement envie de faire un bébé avec la personne que l’on aime mais certaines peurs plus ou moins conscientes vont nous inhiber complètement. Voici ce qu’elles peuvent vouloir dire…

Nos peurs à l’idée de faire un enfant parlent avant tout de notre humanité

Il doute, hésite, se pose beaucoup de questions ? C’est normal ! “Le propre de l’être humain est d’être ambivalent. Nos peurs sont rassurantes : elles prouvent que l’on s’est questionné, que l’on ne prend pas le fait d’avoir un enfant à la légère. Que si des facteurs nous font envie dans ce projet, d’autres nous mettent en résistance.” Rien que de très logique, donc, et rien que de très humain.

Nos peurs parlent de nos blessures passées

Le fait de vivre en famille recomposée signifie bien souvent que l’on a souffert par le passé : “On a vécu un couple qui s’est séparé, pour beaucoup, on l’a vécu un échec familial, résume Emmanuelle Drouet. Souvent aussi, on a pu être blessé en tant qu’homme, en tant que femme : ce sont des blessures narcissiques, des blessures d’ego qui sont douloureuses. Si on a été quitté.e, on peut souffrir également de blessures d’abandon. Nos réticences face au fait d’avoir un enfant viennent parfois dire que ces blessures-là ne sont pas encore tout à fait cicatrisées. Cela ne veut pas dire que l’on n’est pas prêt à vivre une histoire avec quelqu’un d’autre, mais simplement que la question d’avoir un enfant vient mettre le doigt sur une blessure douloureuse.”

Nos peurs face à l’idée de faire un bébé parlent de notre problème de loyauté par rapport à la première famille que l’on a formée

“Parce qu’on a eu enfant avec un conjoint ou conjointe précédente – et même si l’histoire est belle et bien finie !-  cette famille peut rester importante pour nous, décrypte la psychologue. Et devant la question de concevoir un enfant avec un autre partenaire et donc de fonder une nouvelle famille, on peut ressentir quelque chose de l’ordre du conflit de loyauté : la peur de trahir l’autre.” 

Nos peurs peuvent ainsi  parler de la bonne distance que l’on n’a pas toujours réussi à trouver encore avec son ex. “Par exemple, si notre ancien partenaire nous avait demandé d’avoir un enfant avec lui et que nous avions dit non, dire oui ensuite à un autre amoureux, peut être excessivement compliqué, indique Emmanuelle Drouet. Encore une fois, cela n’a rien à voir avec le conjoint actuel, mais c’est vraiment en lien avec notre propre culpabilité vis-à vis du conjoint précédent. Sans qu’il y ait encore des sentiments amoureux ! Mais la culpabilité peut être un ressort puissant !”

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Emmanuelle DROUET (@peripepsy sur instagram) est psychologue clinicienne depuis 20 ans. Maman et belle-mère, elle vit à Vincennes en famille recomposée.

En parallèle, elle écrit des romans dont le dernier, L’écho des souffrances silencieuses vient de paraître aux éditions Jouvence.

Nos peurs peuvent dire notre volonté de préserver nos enfants

Les parents le savent : les enfants des familles recomposées ont déjà beaucoup “trinqué” : séparation, déménagements, recomposition… “Il est bien normal de vouloir les préserver de la jalousie éventuelle qu’ils pourraient ressentir à l’idée qu’on l’ait un nouvel enfant, prévient la psy, surtout si cet enfant vit avec nous tout le temps et non comme eux une semaine sur deux… On peut aussi vouloir les protéger du “point final” que ce nouvel enfant mettrait à l’histoire de ses parents. On peut avoir peur de déclencher à nouveau chez lui des blessures d’abandon, quand il en a connues au moment de la séparation. Ce que l’on peut craindre, c’est que l’enfant nous dise “tu as déjà quitté papa, qu’est-ce qui me dit que tu ne vas pas me quitter, moi?””

Et puis il y a la peur de les malmener en leur imposant une grande tribu dans laquelle ils ne vont peut-être pas trouver leur place. “On peut également avoir peur d’être moins disponible pour eux quand ils sont là, avec la fatigue accumulée… Et donc de leur faire de la peine. A juste titre ou pas, nos réticences peuvent souvent être liées à l’idée d’éviter de faire souffrir nos enfants.” 

Nos réticences à faire un bébé disent parfois notre envie de nous épanouir autrement

Les parents des familles recomposées sont souvent un peu plus âgés que les couples originels. Parfois les enfants sont déjà un peu grands et on peut ne pas avoir envie de retrouver les couches et les biberons. Surtout quand les enfants ont acquis une certaine autonomie et que l’on a retrouvé du temps pour soi.

L’idée de vous projeter dans une nouvelle perte de liberté (c’est quand même ce que peut impliquer le fait d’avoir un bébé les premières années) ne vous emballe pas vraiment ? “Il est normal d’avoir envie de s’épanouir autrement, dans son couple, notamment, tempère Emmanuelle Drouet. Certains diront par exemple : “Je sais ce qu’un enfant fait au couple, aujourd’hui je préfère miser sur ma relation et la préserver.” D’autres vont plutôt vouloir investir la tribu recomposée dans son ensemble. Mais cela traduit parfois aussi une envie de s’épanouir en-dehors de la famille. Il est tout à fait acceptable de se dire par exemple :  “j’arrive à un moment de ma carrière professionnelle où j’ai des opportunités. L’arrivée d’un enfant tomberait mal…””

Nos réticences face à un projet de bébé parlent de la peur de déstabiliser notre couple

“Très souvent, l’arrivée des enfants met une tension dans le couple. Ce n’est pas à cause d’eux directement, mais souvent ils participent des raisons qui mènent à la séparation. Et les couples précédents la famille recomposée en ont souvent fait les frais. On perçoit alors naturellement la perspective d’avoir des enfants comme un facteur de risque pour le nouveau couple.” Risque que l’on n’a pas forcément envie de prendre.

Nos peurs parlent du poids du regard des autres

“Pour certaines femmes, il est tout simplement inconcevable d’avoir des enfants de deux pères différents, explique la psy. Pour certains, le regard social est important et la peur d’être jugée comme une femme légère, facile, peut être paralysante. Mais aussi très concrètement, quand on s’est séparé une première fois, on pense beaucoup plus à la séparation et au risque de se séparer à nouveau, avec tout ce que cela implique. “Pour moi, il était inconcevable, si je me séparais de mon nouveau conjoint, de gérer deux gardes alternées” ai-je déjà entendu.”

Nos réticences viennent parfois toucher un désir très inavouable…

Lequel ? Simplement l’envie de ne plus avoir d’enfant ! “Aujourd’hui encore, il est difficile en tant que femme d’admettre qu’on ne veut plus d’enfant, reconnaît la psychologue. Car il est attendu d’une femme encore en âge de procréer qu’elle ait encore envie de procréer ! On peut vite, alors, se condamner nous-mêmes si l’on veut garder des moments privilégiés avec son conjoint.Pourtant, il n’y a aucune raison de culpabiliser : les semaines en famille recomposée peuvent être parfois tellement difficiles émotionnellement et en termes d’organisation qu’il est normal de vouloir garder du temps pour son couple. Surtout que ce qui fait le ciment des familles recomposées solides, ce sont précisément des couples solides !”

De manière générale, toutes les réticences que vous pouvez ressentir à l’idée de (re)devenir parent sont légitimes et ne devraient en aucun cas être évaluées, discutées, jugée… Ne laissez personne vous culpabiliser d’hésiter face à une décision si importante pour la vie de toute votre famille, et pour la vôtre en particulier !

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.