Famille recomposée : et si l'on faisait un bébé ?
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Famille recomposée : “Et si l’on faisait un bébé ?”

Dans chaque famille, la question de faire un enfant relève d’une décision très intime, très personnelle. Mais en famille recomposée, ce choix est peut-être encore plus délicat… Comment savoir si c’est le bon moment ? Si les enfants sont prêts ? Pour la psychologue Emmanuelle Drouet, la vraie question à se poser est plutôt : “comment pourrons-nous être de bons parents et une bonne famille pour ce bébé ?” Et ça change tout !

Pourquoi dites-vous qu’il vaut mieux, au moment de se poser la question d’un nouveau bébé, de ne pas penser en termes de “bon moment” ?

Emmanuelle Drouet : “Je crois que la question n’est pas tant de savoir quel est le bon moment, au fond. Pour moi comme pour beaucoup de psys, le bon moment, c’est surtout celui où l’on en a envie, de ce bébé ! C’est le point le plus important. Et on l’observe tous les jours : c’est rarement le moment où toutes les conditions, notamment matérielles, sont réunies. 

D’ailleurs, quand elles y réfléchissent deux minutes, les familles recomposées reconnaissent qu’elles en ont déjà fait l’expérience : on a déjà eu des enfants, on a déjà peut-être attendu le bon moment pour lancer un projet de bébé… et on a pu se rendre compte que ça n’a pas forcément marché pour autant ! La preuve, on est séparés aujourd’hui ! On peut se dire “à quoi bon attendre le moment parfait, ça ne garantit rien !” La vraie question à se poser est donc plutôt : comment être de bons parents pour l’enfant qui va arriver au moment où il va arriver.“

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Emmanuelle DROUET (@peripepsy sur instagram) est psychologue clinicienne depuis 20 ans. Maman et belle-mère, elle vit à Vincennes en famille recomposée.

En parallèle, elle écrit des romans dont le dernier, L’écho des souffrances silencieuses vient de paraître aux éditions Jouvence.

Y a-t-il des éléments concrets à prendre en compte pour nous aider à prendre la bonne décision ?

Emmanuelle Drouet : “De manière générale, on peut dire que la décision d’avoir ou non un bébé doit dépendre de facteurs intrinsèques plutôt qu’externes. Bien sûr, il est normal de se demander si l’on a suffisamment de chambres, si nos revenus sont suffisants. Mais mieux vaut garder en tête que ces conditions matérielles ne seront pas toujours toutes réunies. Et que ce n’est pas si grave.

En revanche, il y a une différence de taille avec une famille que l’on dira “classique”, c’est que l’âge médian auquel on recompose une famille fait qu’en général, on va se poser plus vite la question d’avoir un enfant. Car les seconds couples se rencontrent par définition plus tard dans la vie et chez les femmes, l’horloge biologique tourne. Cela fait que, bien souvent, la question de faire un enfant peut émerger rapidement, surtout si son ou sa nouvelle partenaire n’en a pas déjà.”

Justement, comment le fait que l’un soit déjà parent et l’autre non peut influencer la décision d’avoir un enfant ensemble ?

Emmanuelle Drouet : “Il est certain que cela joue beaucoup sur la prise de décision. Par exemple, le conjoint qui a déjà des enfants face à un conjoint qui lui, n’en a pas, peut avoir peur de le ou la perdre et se dire : “si je ne lui ne fais pas d’enfant, il/elle va finir par me quitter ! Car il/elle est en droit d’en vouloir un !” Et ce, même si l’autre n’en veut pas forcément, d’ailleurs. C’est parfois une simple projection, mais lourde de conséquences.”

Peut-on dire que les familles recomposées ont tendance à se précipiter ? A se lancer dans une nouvelle grossesse trop vite ?

Emmanuelle Drouet : “Quand on recompose, on a souvent déjà vécu dans une famille dont l’histoire s’est terminée. Forcément, on le ressent comme un échec, et parfois c’est très douloureux, notamment quand il y a eu des tromperies, des mensonges, de la violence. Face à ce passif difficile, la nouvelle famille nous apporte beaucoup de bonheur et d’espoir pour l’avenir. Et on peut avoir très vite envie de concrétiser cela par un enfant. Comme une très jolie façon de se rattraper.” 

Parfois les familles recomposées sans enfant commun peuvent avoir l’impression de ne pas être une “vraie famille”. Surtout face à l’insistance de certains proches… Que peut-on en penser ?

Emmanuelle Drouet : “On a souvent tendance à voir l’enfant commun à naître comme un trait d’union de la famille recomposée. Ce qui va la souder ou en faire une “vraie famille”. Mais attention, cela revient à mettre sur les épaules de ce bébé, avant même sa naissance,  une responsabilité qu’il n’a pas à porter ! Il faudrait réussir à prendre du recul par rapport au regard social qui peut laisser entendre qu’un couple recomposé qui n’a pas d’enfant, c’est un couple qui n’est pas forcément très sérieux. Comme si le fait de concevoir un enfant venait asseoir la solidité de la relation. Ou permettait de mettre le nouveau couple au même niveau que l’ancien… Mais évidemment, mieux vaut écouter notre désir d’enfant à deux, plutôt que concevoir un enfant soit parce que c’est ce qui est attendu de nous, soit parce que cela permet d’une certaine façon de légitimer notre couple.”

Enfin, comment peut-on savoir si c’est le bon moment de faire un bébé pour les enfants de la famille recomposée ? Faut-il leur poser ouvertement la question ?

Emmanuelle Drouet : Non, selon moi, leur poser la question “vous voulez avoir un petit frère ou une petite soeur ?” n’est pas foncièrement une bonne idée. D’abord parce que le désir d’enfant des parents ne peut pas être une réponse au désir d’enfant de l’enfant. Mais aussi parce que notre décision ne doit pas reposer sur eux non plus car certains enfants ne seront jamais tout à fait prêts à avoir un petit frère ou une petite sœur.

Le bon moment pour les enfants, c’est quand ils auront déjà pu trouver leurs marques au sein de la famille recomposée. Le moment où notre compagne ou compagnon va être réellement intégré.e comme un beau-parent pour eux. Vivre sous le même toit ne suffit pas ! Si aucun lien ne s’est créé, cela reste l’amoureux.se de maman ou papa, c’est-à-dire quelqu’un qui n’est ni un référent dans leur vie, ni une figure d’autorité. 

Alors oui, cela suppose un peu de temps ! Mais il ne faut pas oublier que la séparation – souvent douloureuse pour les enfants -, l’apparition dans leur vie d’un beau-parent, le fait de vivre ensemble – parfois avec d’autres enfants –  toutes ces étapes sont des facteurs de stress pour les petits. Je recommande donc un peu de bons sens et d’attendre un minimum avant de leur en imposer un nouveau. Car même si une naissance est joyeuse, l’arrivée d’un bébé est toujours une source de stress pour son aîné… comme pour toute la famille, d’ailleurs !

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.