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Heureux ensemble

Famille recomposée : il ne veut pas prêter ses jouets, comment réagir ?

Votre enfant ou l’enfant de votre partenaire refuse de prêter ses jouets aux autres enfants de la famille recomposée ? Cela crée des disputes régulièrement entre les petits ? Vous ne savez pas comment réagir ? Elena Goutard, coach parental et auteure de Mon P’tit Cahier nouvelle tribu décrypte les réactions des enfants et vous donne ses conseils pour faire baisser la pression.

Les Nichées : Faut-il forcément obliger les enfants à partager leurs jouets avec les autres membres de la fratrie, recomposée ou non, d’ailleurs ?

Elena Goutard : En tant que parents, nous insistons souvent sur l’importance de partager entre frères et soeurs, sur l’idée de prêter aux autres car on espère ainsi créer une sorte de “culture de famille” – surtout quand on construit une famille recomposée – où le partage serait une valeur clé. Mais ce n’est pas parce que l’on vit tous ensemble que l’on doit tout partager ! Il me semble important de poser des limites pour que la vie ensemble soit tolérable pour tout le monde.

De la même manière, il est ainsi essentiel que chacun puisse avoir son espace, sain et sacré. Que tout le monde respecte le fait qu’on n’y entre pas sans permission dans la chambre des autres, qu’on ne touche pas sans demander d’abord à ses affaires (mis à part les parents…)

On peut très bien faire une analogie entre la petite voiture adorée d’un petit garçon et la belle voiture de son papa. Celui accepterait-il de partager cette belle voiture avec son frère plus jeune, en sachant que celui-ci conduit mal, qu’il ne fait pas attention, qu’il mange dans la voiture ? Je parie que non ! 

Pour l’enfant, le jouet revêt la même importance. Quand il refuse de prêter, il ne s’agit pas de blesser l’autre mais souvent, il a simplement peur de ne pas retrouver son jouet, que l’autre l’abîme, le casse. Il est important que l’enfant ait le droit de dire “non” et de donner ainsi à chacun le droit de ne pas partager. Ils n’en deviendront pas plus égoïstes : on observe au contraire bien souvent au contraire que plus on respecte leur volonté (y compris de dire non), plus ils seront d’eux-mêmes volontaires pour partager. Justement parce qu’ils se sentent libres de dire “oui” ou “non”.

Les Nichées : Les obliger à prêter les inciterait donc à moins prêter, paradoxalement ?

Elena Goutard : Oui, les pousser peut créer une vraie résistance. C’est ce que l’on appelle en psychologie “l’instinct de contre-volonté”. C’est un élan de résistance intérieur, naturel, qui n’est pas réservé aux adolescents, les tout-petits sont également concernés. Ici, plus on va les obliger à partager avec les autres enfants de la fratrie recomposée (qui inclut parfois des enfants qu’ils connaissent finalement encore assez peu), moins ils auront envie de partager ce qui leur appartient.

Enfin, reconnaissons parfois que nous, parents, nous insistons pour qu’ils prêtent leurs jouets pour avoir la paix. Quand la petite soeur se met à hurler pour avoir la poupée de la grande, nous pouvons être tentés de lui dire “Vas-y, prête-lui ta poupée, tu vois bien qu’elle est très triste !” pour ne plus entendre les pleurs. Mais c’est un cercle vicieux, qui remet le problème à plus tard. Car le risque, vous vous en doutez, c’est d’avoir un enfant qui se met à pleurer à chaque fois qu’il n’a pas ce qu’il réclame, parce qu’un autre ne veut pas prêter…

Les Nichées : Concrètement, comment expliquer aux enfants à qui on refuse de prêter des jouets que c’est normal ? Et comment fixer des règles pour éviter la jalousie ?

Elena Goutard : Il faut leur expliquer les règles sur les jouets et les droits de chacun, tous ensemble, dans un moment calme. Mieux vaut éviter de le faire dans un moment tendu suite à une dispute autour d’un jouet. 

Concrètement, on peut faire la distinction entre ce qui est à toute la famille et ce qui est à chacun. Imaginons : vous avez une balançoire dans le jardin, c’est un jeu commun. Donc vous pouvez très bien énoncer la règle suivante : le premier à l’utiliser a droit à 15 minutes, puis on change. On peut appliquer ensuite la même règle à tous les jeux et équipements communs.

Mais ensuite, pour tout ce qui est propre à chaque enfant – cadeaux, vêtements, jouets reçus à un anniversaire – il est important de dire que chacun a le droit de dire  “non, je ne veux pas partager” et que les autres doivent respecter son choix.

Bien sûr, au début, il pourra y avoir quelques crises, notamment de ceux qui veulent le jouet et à qui l’enfant dit non. Dans ce cas, le rôle du parent est d’accueillir son émotion, de le réconforter et de lui réexpliquer très simplement : “S’il accepte de partager, il partage. Mais s’il ne veut pas partager, désolée chéri, mais tu ne joueras pas avec, c’est son droit.” C’est important qu’ils apprennent à accepter que l’autre ait le droit de dire non. Ils finiront par intégrer la règle.

Le bon côté ? Les enfants sont très contents d’apprendre qu’eux aussi ne sont pas obligés de prêter leur jouet s’ils n’en ont vraiment pas envie. En général, les enfants acceptent bien cette règle car ils y trouvent une forme de justice : “tu respectes mes affaires, je respecte les tiennes”. Finalement, cela leur apporte une certaine sécurité à tous. Et en famille recomposée, cela est plus encore plus important pour le bien-être de chacun.

A lire :

Mon P’tit Cahier Nouvelle Tribu, d’Elena Goutard, Solar Editions

Mon Grand Cahier Rituels en Famille, d’Elena Goutard, Solar Editions

Pour aller plus loin :

Elena Goutard est coach parental et maman de 4 garçons. Formée à la psychologie des enfants et des adolescents, elle accompagne les parents vers une vie de famille plus sereine et épanouie. Retrouvez-la sur son site : www.elena-goutard.com

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.