Famille recomposée : ces 5 pièges des débuts à éviter
Cette vie tous ensemble, vous en rêviez mais cela ne se passe pas vraiment comme prévu ? C’est bien normal quand deux familles – et deux histoires – se réunissent sous le même toit. Comment éviter les pièges des débuts et passer le cap sereinement ? Elena Goutard, coach parental et auteure entre autres, de Mon P’tit Cahier Nouvelle Tribu, liste les principaux écueils des premiers jours et vous donne ses conseils pour réussir vos premiers pas en famille recomposée.
Piège 1 : Vouloir que tout le monde soit heureux ensemble, tout de suite
Vos enfants ne partagent pas votre joie d’emménager tous ensemble ? Voire ils ont l’air franchement hostiles ? Votre partenaire ne sait pas trop se positionner face à eux ? Pas de panique, tout est très normal étant donné ce qu’ils vivent et ressentent en ce début de famille recomposée.
L’explication de la coach : “Si vous en tant qu’adulte, vous êtes en train de vivre une belle histoire d’amour, gardez en tête que vos enfants, eux, subissent les changements qui en découlent. Et ils voient rarement d’un bon œil l’idée de vivre avec d’autres enfants, de devoir “partager” leur parent avec un amoureux ou une amoureuse et de devoir changer leurs habitudes.
Ce qui est compliqué, c’est que de notre côté, nous pouvons avoir des attentes démesurées. On a très envie que la famille fonctionne et soit soudée, que tout le monde s’aime et que l’on partage tout. Mais cela ne se décrète pas : il faut du temps pour “faire famille”. ”
Le conseil de la coach Elena Goutard : “Laissez à tous les membres de la tribu le temps de s’habituer et de prendre leurs marques dans la nouvelle famille recomposée. Et essayez d’accepter qu’on ne peut pas forcer les liens, l’attachement. Que les résistances sont normales.
C’est important car les premières frustrations apparaissent très vite face à un quotidien plus compliqué que prévu, et ce d’autant plus qu’on a eu tendance, dans les mois précédents, à idéaliser la vie en famille recomposée. On peut très vite se sentir désenchanté par ce qui nous tombe dessus. Mais il ne faut pas baisser les bras tout de suite. En famille recomposée, je le répète, tout prend plus de temps.”
Piège 2 : Vouloir que le beau-parent soit accepté tout de suite
Timidité, indifférence voire franche hostilité… Les enfants n’accueillent pas toujours à bras ouverts l’amoureux ou l’amoureuse de leur parent dans leur vie. Une fois sous le même toit, tout peut se compliquer : le nouveau beau-parent est toujours là, il fixe les règles, donne des ordres, fait preuve d’autorité… Ce qui est normal pour l’adulte (“je ne vais pas rester un simple figurant, quand même !”) n’est pas toujours très bien accepté par les enfants (“Pour qui il se prend, c’est pas mon père !”). Pour éviter d’en arriver là, mieux vaut, une fois encore, ne pas précipiter les choses d’après Elena Goutard.
L’explication de la coach : “Le beau-parent ne devient pas un référent dans la vie de l’enfant mécaniquement à partir du moment où ils vivent tous deux sous le même toit. Pour que l’adulte soit accepté comme tel, avec la légitimité que l’enfant lui donnera alors à intervenir dans son quotidien, il faut qu’une relation de confiance et de complicité ait d’abord été établie.
Sauf que cette relation n’est pas neutre. Pour l’enfant, elle peut être compliquée par le conflit de loyauté vis-à-vis de son autre parent : “si je m’entends bien avec mon beau-père, si je l’aime bien, est-ce que je vais moins aimer papa ? Est-ce que je vais rendre papa triste ? Est-ce que je le trahis ?” Ce conflit intérieur a tendance à créer de la distance. Et n’aide pas à créer un climat serein à la maison.”
Le conseil de la coach : “Au début, avant que le beau-parent puisse gagner en autorité auprès des enfants de l’autre, mieux vaut qu’il ne se mêle pas trop de leur éducation. Qu’il laisse l’ordre et l’application des règles au parent “biologique”. Créer une relation de confiance avec l’enfant va demander du temps et un peu d’investissement personnel à l’adulte pour faire connaissance, s’apprivoiser et petit à petit s’apprécier. Des jeux partagés, des rituels joyeux tous ensemble ou des petits temps en tête à tête peuvent aider à nourrir la relation en douceur.”
Piège 3: Sous-estimer la question du territoire
Il y a ceux qui ont déménagé chez “l’autre clan” – et qui peinent parfois à trouver leurs marques – ceux qui sont restés chez eux – mais se sentent envahis par les nouveaux arrivants… Même dans le cas où tout le monde emménage dans un logement tout nouveau et neutre, la cohabitation de deux histoires familiales peut être éprouvante et les enjeux liés à l’espace (plus précisément aux espaces de chacun) peuvent envenimer les premiers mois des familles recomposées. A moins de prendre les devants…
L’explication de la coach : “Le vécu de la famille recomposée peut être étouffant pour tout le monde : pour l’adulte qui ne va pas se sentir chez lui quand les enfants de l’autre seront là. Mais aussi pour les enfants qui peuvent vite se sentir étranger dans la maison et débordés émotionnellement par la présence des autres. Il est donc important que chacun ait sa petite place, un endroit où s’abriter quand ça ne va plus trop, quand c’est trop pour lui. Un espace “cocooning” où chacun peut s’isoler si besoin.”
Le conseil de la coach : “C’est un sujet dont vous pouvez parler avec votre enfant. S’il a sa propre chambre, c’est parfait. Sinon, demandez-lui ce qu’il aimerait comme “coin cocooning” : une petite tente, un tipi, un lit à baldaquin… De quoi se créer une bulle rien qu’à lui dans laquelle il peut se retrouver au calme.
De la même manière, dans la grande pièce commune, peut-être pouvez-vous créer un petit espace de jeu séparé à chacun. Bien sûr, tout dépend de la configuration du logement, mais cela peut être un petit fauteuil et un bac à jouets par enfant dans le salon. L’intérêt ? Que l’enfant n’ait pas l’impression de batailler en permanence avec les autres pour avoir une place ou un accès à ses jouets. Cela le rassurera.”
A lire pour faire le plein de conseils pratiques quand on se lance dans l’aventure de la recomposition :
Mon P’tit Cahier Nouvelle Tribu, d’Elena Goutard, Solar Editions
Piège 4 : Vouloir être ensemble, tout le temps
Non, ce n’est pas parce que vous vivez désormais sous le même toit que vous devez tout faire ensemble et surtout passer tout votre temps ensemble ! Les enfants en famille recomposée ont un vrai besoin de se retrouver avec leur parent, seuls, régulièrement.
L’explication de la coach : “Faire des choses séparément, c’est pour le parent et l’enfant, retrouver un peu de vie d’avant : ils vont pouvoir profiter simplement l’un de l’autre. Cela permet de faire un break dans un quotidien qui peut devenir étouffant pour les petits et les grands, car la famille recomposée implique chaque jour du monde, du bruit, des compromis…. Ces temps en “famille resserrée” permettent de souffler un peu.”
Le conseil de la coach : “Ne culpabilisez pas si vous avez envie de vous retrouver de temps en temps seul.e avec vos enfants. On peut vite se sentir étouffé à vivre 24h/24 tous ensemble. Le risque alors est, très vite, de ne plus prendre de plaisir à vivre ce quotidien-là. Cette envie n’est pas pour autant le signe que quelque chose ne va pas : vous n’avez donc pas à mal le vivre. Et si vous êtes à la place du partenaire, de la même manière, ne vous sentez pas exclu.e ou ignoré.e si votre amoureux.se éprouve le besoin de passer un peu de temps seul.e avec ses enfants. Ce n’est pas toujours facile à vivre, surtout si vous imaginiez une vie 100% tous ensemble. Mais ce n’est pas contre vous ! Essayez de ne pas vous vexer, prenez du temps pour vous et vous n’aurez tous que plus de plaisir à vous retrouver.”
Même chose si votre conjoint n’a pas d’enfant à lui. Rien de plus naturel que de ressentir de temps en temps le besoin de retrouver un peu de liberté. Passer d’un statut de célibataire sans enfant à celui de beau-parent n’est pas rien, et plus les besoins personnels de votre moitié seront comblés, plus facile ce sera pour lui de s’investir dans son nouveau rôle et d’y trouver du plaisir.
Piège 5 : Ne pas oser dire ce que l’on ressent
Son fils vous agace ? Vous trouvez qu’elle vous néglige ? Sa fille est un peu vache à votre goût avec la vôtre ? Vous aimeriez qu’ils s’investissent davantage dans la famille recomposée ? C’est sûr, quand vous rêviez de votre vie tous ensemble, le tableau ne ressemblait pas trop à ça… Mais est-ce une raison pour le dire à votre partenaire ? Oui, bien sûr, nous dit la coach. Pas pour le plaisir de râler mais pour éviter que les soucis et les frustrations ne s’enkystent, sans même que votre conjoint, bien souvent, ne s’en rende compte.
L’explication de la coach : “C’est l’erreur numéro 1 pour beaucoup de nouvelles familles recomposées. Parce qu’on veut éviter de pointer les difficultés, parce qu’on veut tellement réussir son couple et sa nouvelle famille qu’on va négliger les problèmes ou les garder pour soi, bien cachés sous le tapis. Pourtant, il faudrait vraiment éviter de garder les choses que l’on a sur le cœur. Encore plus que pour une famille de première génération, la communication au sein du couple est primordial : il est capital de pouvoir tout se dire, de pouvoir discuter si l’on est pas d’accord et de pouvoir s’accorder. Mais attention à bien choisir ses mots !”
Le conseil de la coach : “La règle d’or est d’essayer de toujours tenir compte du fait que l’autre a eu une histoire avant, un autre partenaire, d’autres habitudes. Certaines vous agacent ? Vous aimeriez qu’il ou elle évolue sur tel ou tel point ? Parlez-lui en mais n’oubliez pas qu’il faut du temps pour que les choses évoluent et que l’autre change. Ne soyez pas trop impatient.
Surtout, faites attention quand vous abordez la question des enfants. Quand il s’agit des petits, mieux vaut d’abord communiquer au sein du couple : expliquer, échanger, trouver des solutions et compromis. Et ensuite je conseille que chacun intervienne d’abord auprès de ses propres enfants. Les témoignages montrent que si chacun intervient un peu vite ou un peu fort auprès des enfants de l’autre, cela peut mettre en danger la relation du couple, qui est à ce stade encore fragile. Parce que les parents vont avoir naturellement tendance à défendre leurs enfants, ils vont parfois avoir du mal à accepter que l’autre se mêle de leur éducation et surtout qu’il sanctionne leurs enfants. Sachez-le pour éviter autant que possible de le faire, surtout au début.” Dans ces premiers mois si compliqués, où l’on ne s’est pas encore complètement apprivoisés, mieux vaut ne pas enrôler le rôle du “bad cop” et profiter simplement des bons moments ensemble. Ils permettent d’apprendre à mieux se connaître et pour un début, c’est déjà beaucoup.