Mariage, PACS, concubinage : comment protéger sa famille recomposée?
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Mariage, PACS, concubinage… Comment protéger au mieux sa famille recomposée en cas de décès ?

Succession, fiscalité, protection… En cas de famille recomposée, les règles sont encore plus complexes que pour une famille “classique”. Et se marier ne suffit pas à être tous protégés en cas d’accident de la vie. Explications, exemples concrets et conseils à travers 7 questions-clés, pour savoir comment protéger vos proches si le pire devait arriver.

Un grand merci à Elodie Frémont, notaire à Paris

Question 1 : Qui hérite de quoi en cas de décès ? 

L’enjeu : Comment éviter à nos proches des difficultés financières et des conflits

Tous les couples ne sont pas égaux devant le Code Civil. La famille recomposée, par exemple, n’est tout simplement pas prévue dans ce texte qui date de 1804 ! Ce qui fait qu’elle est, par définition, moins bien protégée que la famille classique pour laquelle plus de dispositions de sécurité sont prévues.

Ce dont hérite le conjoint en famille recomposée : les différents cas de figure

“Concrètement, si vous êtes mariés mais dans le cadre d’une famille recomposée, en cas de décès, le conjoint survivant aura moins de droits que le conjoint d’une union qui n’est pas un remariage. L’article 767 prévoit que “si vous avez des enfants communs, le parent qui survit a le choix entre hériter de 100% en usufruit ou 25% en toute propriété. Mais si c’est un remariage ou si les enfants sont issus d’une précédente union dans le cadre d’une famille recomposée, le conjoint survivant n’a pas le choix ; il hérite seulement de 25% de la succession de son conjoint en toute propriété.” 

Et en cas de PACS, de concubinage ? “C’est simple, sans dispositions particulières, le partenaire de vie n’hérite de rien du tout !”

Les règles de la succession en cas de mariage en famille recomposée peuvent fragiliser vos enfants et le conjoint survivant !

Et cela présente des inconvénients autant pour l’enfant (ou les enfants) que le conjoint survivant !

“Imaginons : j’ai un fils d’une précédente union et je suis aujourd’hui remarié. Si je ne prends aucune disposition avant mon décès, je suis en train de faire hériter un quart de mon patrimoine à mon épouse. Et par là même, de déshériter mon enfant d’un quart de mon patrimoine. Pourquoi ? Comme on l’a vu, si je meurs, ma femme hérite de 25% et mon fils de 75% de mon patrimoine. Que se passera-t-il au décès de ma femme ? Si je n’ai pas eu d’enfant avec elle, ces 25% vont aller aux enfants qu’elle a eus avec un autre homme ou à une famille qui n’est pas la mienne. Cela peut être mon fils si elle a décidé de l’adopter entre temps mais sans adoption, mon fils ne touchera rien de ces 25%.

Imaginons maintenant que j’avais acheté un appartement pour mon fils dans lequel il habite gratuitement. A mon décès, il hérite de 75% de l’appartement. Mais les 25% restants vont appartenir à sa belle-mère, avec qui il s’entend plus ou moins bien. Une belle-mère qui peut être proche bien sûr, mais qui n’aura peut-être pas du tout envie de rester en indivision avec mon fils. Le risque est donc qu’il se fasse mettre dehors, soit parce qu’il ne peut pas dédommager sa belle-mère avec un loyer. Soit parce que la belle-mère veut vendre le bien pour récupérer sa part.”

En bref, le mariage en famille recomposée peut entraîner deux inconvénients notoires du côté de l’enfant légitime : 

Premièrement, il est déshérité de 25% du patrimoine

Deuxièmement, il risque de se retrouver dans une situation de précarité s’il doit quitter le logement que son parent lui avait mis à disposition parce qu’il se retrouve en indivision.

Mais de son côté aussi, le conjoint survivant n’est pas non plus spécialement protégé. 

Démonstration.

“Si vous, qui êtes remarié et avez déjà un fils de votre côté, venez à décéder, il se peut que votre femme soit obligée d’accepter ces 25% (surtout si, par exemple, elle n’a pas travaillé pendant longtemps ou si elle vous a secondé dans votre activité sans être déclarée). Maintenant que vous avez disparu, elle n’a plus rien. Elle est bien obligée d’accepter les 25% de votre succession pour vivre car elle n’a plus d’autres ressources. Mais si ces 25% portent sur des actifs immobiliers, ici un appartement occupé par votre fils, elle va se retrouver en toute-propriété d’un bien qu’elle ne peut pas utiliser. Elle va alors être obligée de réclamer de l’argent à votre fils, en lui disant :  “tu me paies un loyer ou je serai obligée de te forcer à vendre car j’ai besoin de cet argent”.”

En bref, une situation difficile pour votre épouse comme pour votre fils. Le risque ? Que cela crée après votre décès un climat de conflit entre votre femme et votre enfant. Et que cela la mette aussi en situation d’insécurité voire de précarité : il va se passer du temps avant que l’appartement occupé par le fils soit vendu. Comment va-t-elle faire avant de toucher sa part ? Comment va-t-elle tenir jusque-là ?

La solution ? Prendre des dispositions anticipées auprès d’un notaire pour que vos proches soient protégés comme vous l’entendez. 

Question 2 : comment protéger au maximum mon partenaire de vie quand je ne serai plus là ?

L’enjeu : lui éviter une baisse de niveau de vie et le/la mettre en sécurité pour sa fin de vie.

“On peut prévoir, par un testament, de faire de son conjoint ou concubin son légataire universel. Ça veut dire quoi ? Il a droit à tout, il a le droit de tout faire, tout vendre. C’est une ultra protection. Mais avec une première réserve qui est la réserve héréditaire. Le Code Civil prévoit que les enfants – qu’on ne peut déshériter complètement – doivent recueillir : 

  • 50% du patrimoine de son père et de sa mère, quand il s’agit d’un enfant unique
  • ⅔ du patrimoine quand il y a 2 enfants
  • Et ¾ quand il y a 3 enfants et plus

A contrario, cela signifie que l’on n’a pas le droit de léguer plus que 50%, ⅓ ou ¼ à mon partenaire de vie. Mais si le légataire est un époux ou une épouse mariée, il a tout de même droit à l’usufruit de toute la succession, y compris sur la part des enfants. 

Si je suis pacsée, je ne peux avoir plus de 50, 33 ou 25 en toute propriété. Idem si je suis concubin ou concubine. Le conjoint marié est le seul à pouvoir avoir plus que les autres !”

En pratique, cela signifie que votre légataire universel a le droit de tout vendre, tout hypothéquer, tout dissoudre. Et surtout il est avantagé concernant l’indemnisation des autres héritiers. Explication : 

“Si vous étiez mariés, l’époux survivant devra indemniser les héritiers mais uniquement à hauteur de la valeur de la nu-propriété des biens qu’il décidera de toucher. En revanche, si c’est un partenaire pacsé, s’il veut se séparer de certains biens, il devra indemniser les héritiers à hauteur de leur part, soit 50, 33 ou 25% (en toute propriété). Ce qui est bien supérieur à ce que devrait acquitter un conjoint marié !”

Une fois encore les couples mariés sont favorisés.

Question 3 : comment mettre mon partenaire à l’abri sans défavoriser mes enfants ?

L’enjeu : comment éviter que mes enfants soient privés après ma mort de leur part de mon héritage ?

Si je veux protéger mon partenaire de vie de son vivant sans que mon argent ne revienne dans sa famille à son décès, je peux prévoir ce qui s’appelle un “leg résiduel”. “Concrètement, cela permet de prévoir de léguer tout à mon partenaire de vie et à son décès, de prévoir que soit restitué tout ce dont je l’ai fait héritier ou héritière à ‘mon frère, mon neveu, etc.“ 

Autrement dit, de son vivant, le partenaire “de seconde vie” va pouvoir faire ce qu’il veut de son patrimoine. Mais à son décès, tout le reste du patrimoine devra revenir aux héritiers.

Question 4 : comment faire en sorte qu’aucun de nos enfants ne soit désavantagé quand on n’aura disparu ?

L’enjeu : comment éviter que l’ordre des décès n’affecte l’héritage qui reviendra à chacun

La disposition la plus fréquente pour les familles recomposées est l’adoption simple, qui vous permet d’adopter votre beau-fils ou belle-fille, sans remettre en question ses liens de filiation avec son père et sa mère, afin de permettre une filiation plus juste. Explication.

“Imaginons un remariage : monsieur a deux enfants d’une précédente union, madame un enfant. Les enfants vont hériter de façon différente selon qui sera le premier à mourir, par un malheureux effet ‘loterie’. Si monsieur décède en premier, imaginons un exemple simple : madame hérite de 25% et les héritiers de monsieur vont se partager 75% à 2. Mais à terme, l’enfant de la mère héritera au décès de sa mère de toute sa succession personnelle, dont les 25% hérités du beau-père. 

Ce qui est très difficile surtout si le bien principal de la succession, c’est la résidence des époux qu’ils avaient acheté à 50-50 de leur vivant. En clair, les enfants de monsieur seront minoritaires par rapport au fils unique de madame (qui aura hérité des 50% de la maison par sa mère + les 25% de monsieur, soit 75 %).

Le dispositif de l’adoption simple ne nie pas les liens de filiation mais va permettre d’éviter cet effet de loterie. L’adoption va prévoir pour un enfant de famille recomposée 3 successions : celle du père naturel, celle de la mère naturelle et celle de son beau-père ou belle-mère.

Reprenons l’exemple précédent : si Madame adopte les enfants de Monsieur, il est possible de prévoir une succession en 3 parts égales : ⅓ pour le premier enfant de monsieur, ⅓ pour le second enfant de monsieur  et ⅓ pour l’enfant de madame,

Du côté de la fiscalité, pas de mauvaise surprise : le régime fiscal sera le même pour les enfants adoptés que pour les enfants naturels.

Question 5 : combien d’impôts sur la succession va payer mon partenaire à mon décès ?

L’enjeu : éviter que le partenaire de vie doive vendre son logement

Sur ce point, les situations sont très différentes et clairement en faveur du mariage ou du PACS.

“Si je suis marié ou pacsé et que je lègue tout à mon conjoint, j’ai 0 impôt à payer depuis la loi de 2008. En revanche, si je suis concubin, mon partenaire devra s’acquitter de 60% d’impôts après un abattement ridicule de 1562 euros !

Donc si on veut avantager le père ou la mère de ses enfants, il faut au moins se pacser. Sinon, il y a de fortes chances que le concubin survivant doive renoncer à la succession : payer 60% d’impôts, c’est reversé au fisc plus de la moitié de ce qu’on va récupérer. Quand notre bien le plus important est notre résidence principale, on risque de se retrouver obligés de vendre.”

Question 6 : Que devient le logement familial en cas de décès ?

L’enjeu : comment s’assurer que mon conjoint garde un toit au-dessus de sa tête

Si vous êtes propriétaires aujourd’hui

En matière de logement, aussi, les règles actuelles sont plus protectrices si vous êtes mariés. 

“D’abord, on vient de le voir, parce que le conjoint survivant hérite au moins de 25% des biens de son partenaire. Mais surtout, si vous êtes mariés, en cas de décès de votre époux ou épouse, vous bénéficiez d’un droit temporaire d’une durée d’un an, à vivre dans la résidence principale que vous partagiez avec lui.

Vous êtes pacsés ? Vous avez aussi ce droit pendant un an.

Vous êtes concubins  ? Vous n’y avez pas droit du tout !”

Mais les couples passés par la case mariage sont encore plus favorisés.

“Si on est mariés, on a le droit au maintien dans les lieux non seulement pendant un an, mais pendant toute notre vie. Pas gratuitement, bien sûr, il faudra assumer les charges de copropriété, la taxe foncière, la taxe d’habitation. Mais vous n’aurez pas de loyer à payer et vous serez indéboulonnable ! Les héritiers ne peuvent pas vous mettre dehors. 

Cela va même plus loin : si vous décidez de changer de logement, par exemple parce que c’est trop dur pour vous de rester dans cette résidence principale ou pour tout autre raison, le Code Civil prévoit que vous avez le droit de vendre ce bien et d’en racheter un autre avec le prix de vente. Le droit au maintien dans les lieux pendant toute votre vie va se reporter sur ce nouveau logement. Les héritiers n’ont pas le choix : ils sont obligés d’attendre !”

En revanche, vous n’avez pas droit à ce maintien dans les lieux si vous étiez pacsés ou concubins. “Cela signifie que si les héritiers veulent récupérer leur part de la résidence principale et que vous ne pouvez leur verser leur part, vous pourriez bien être obligé.e de vendre votre maison et de partir vivre ailleurs.”

Si vous êtes locataires

Là encore, les dispositions ne sont pas exactement les mêmes.

“Si vous êtes locataires, le changement de bénéficiaire du bail est automatique si vous êtes mariés ou pacsés. Il n’y a même pas un avenant à faire pour que le partenaire survivant puisse rester dans les lieux ! Mais attention, ce n’est pas le cas si vous êtes concubins.” Le bail ne tient alors plus, vous serez peut-être obligés de déménager rapidement.

Question 7 : Qui a droit à la réversion retraite ?

L’enjeu : comment préserver les revenus de mon partenaire

Là encore, la règle est clairement en faveur du mariage.

“C’est simple : la réversion retraite ne marche que pour le mariage. Pas encore pour le PACS, et pas du tout pour le concubinage.”

Ce qui est lourd de conséquences si on met tout bout à bout. “Cela veut dire que dans la pire des situations – à savoir vous êtes concubins, vous avez des enfants en commun et vous n’avez rien prévu – votre concubin ou concubine peut être mis.e dehors et n’avoir droit à rien. Rien de votre succession et pas réversion retraite. Vous êtes pacsés ? Au minimum, votre partenaire peut rester un an dans les lieux mais ensuite, il n’a droit à rien. Vous êtes mariés : votre partenaire a droit à la réversion retraite, à 25% de votre succession, au maintien dans les lieux un an et au maintien dans les lieux toute sa vie.

Pour en savoir plus, l’idéal est de consulter un notaire. Celui-ci vous conseillera sur les meilleurs moyens de mettre vos proches à l’abri et de faire respecter vos volontés. Cela peut passer par la rédaction d’un testament ou la mise en place de dispositifs – leg résiduel ou adoption simple – qui peuvent répondre aux besoins complexes et spécifiques des familles recomposées.

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.