Je n’arrive pas à traiter ses enfants comme les miens
C’est souvent l’objectif numéro 1 des beaux-parents, la recette pour beaucoup, d’une famille recomposée réussie. Mais derrière une volonté louable – ne pas faire de différence entre sa propre progéniture et les autres, mettre tout le monde à égalité tout le temps – se cache une masse de difficultés trop souvent tues et qui tiennent à des différences d’éducation, de valeur, de personnalité. 3 conseils testés et approuvés pour comprendre et savoir réagir (sans culpabiliser).
Certains disent faire « exactement pareil » pour les uns et les autres. D’autres font leur maximum mais reconnaissent à demi-mots qu’ils n’y arrivent pas toujours. Et si l’on écoute les premiers concernés – les enfants des familles recomposées – le « deux poids, deux mesures » serait bien plus courant qu’on veut bien se l’avouer. Pourquoi, derrière toutes nos bonnes volontés, est-il si difficile d’être et d’agir avec nos beaux-enfants comme nous le sommes et le faisons avec les nôtres ? Est-ce juste une histoire de chair et de sang ?
Famille, l’héritage invisible
Pas si simple, bien sûr ! Alors que nos enfants héritent d’une bonne partie de nos schémas familiaux par “imprégnation” de la culture familiale (et parfois bien malgré nous), les enfants de l’autre héritent d’un bagage familial très différent et de tout autres valeurs (sans que ni eux, ni leurs parents n’en soient tout à fait conscients)… Et ce, même s’ils vivent sous votre toit une semaine sur deux ou à temps plein, depuis des années. Il est donc normal que vous vous sentiez moins à l’aise face à eux que face à vos propres enfants : ils n’ont pas reçu ces codes non-dits ou ces valeurs invisibles qu’apportent l’éducation, l’histoire ou encore les rituels familiaux.
Vous vous inquiétez parce que vous n’arrivez décidément pas à comprendre comment les enfants de votre partenaire fonctionnent ? Vous êtes beaucoup moins patient.e avec eux qu’avec vos enfants ? Ils vous agacent malgré toute votre bonne volonté ? Rien de plus normal, donc ! Les décalages de culture familiale jouent sur la compréhension mutuelle, l’envie de faire des choses ensemble ou tout simplement sur la fluidité des relations. Le nier ou vouloir à tout prix le cacher ne sert à rien (les enfants ont des antennes très efficaces pour repérer nos petites stratégies et grandes contradictions).
Exprimer l’incompréhension, décoder les décalages d’éducation
En revanche, mieux vaut éviter que ces petits grains de sable dans la relation ne deviennent de gros problèmes dans le quotidien de la famille recomposée. La solution que j’ai trouvée ? Parler, com-mu-ni-quer ! (Sans surprise, me direz-vous…) Quand mes beaux-enfants réagissent d’une manière qui m’horripile, j’explique calmement que dans ma famille, dans l’éducation que j’ai reçue, ça se passe différemment. Que ces choses ne se font pas, que c’est important pour moi et que je ne comprends pas voire que je suis blessée par leur attitude/leurs paroles. J’ajoute que je conçois que ça soit différent pour eux, mais que pour la sérénité de tout le monde, je demande à ce qu’ils n’agissent plus ainsi en ma présence/sous mon toit / qu’ils ne parlent plus ainsi… Dernière option : je propose un compromis en insistant sur le fait que chacun fait un petit pas, un petit effort, pour trouver un « juste milieu » qui convient à tout le monde.
Et je m’oblige à le faire systématiquement, pour m’éviter d’intérioriser, de ruminer, de m’agacer à chaque fois un peu plus. Et surtout, cela leur donne à chaque fois des clés de compréhension sur comment je fonctionne moi (et tous les autres comme moi, par la même occasion).
J’ai découvert que les enfants et les ados sont bien souvent incapables de comprendre qu’il existe d’autres façons de voir/de faire/de penser quand leur éducation ne leur a toujours montré qu’un angle de vue. Comment leur en vouloir ? Je m’applique donc à leur montrer d’autres façons de faire et de voir le monde. Ca me demande un peu de patience (ok, parfois beaucoup de patience) mais je pense qu’en tant qu’adulte “bonus” dans leur vie, c’est le meilleur service que je peux leur rendre (et sans doute la plus grande richesse d’une famille recomposée).
Reconnaître le conflit de loyauté envers ses propres enfants
J’ai aussi rencontré des parents qui en voulant traiter tous les enfants de la même manière, avaient l’impression de léser les leurs, à tort ou à raison. Ca vous surprend ? En réalité, il est parfois plus simple, pour ne pas créer de tensions avec son partenaire ou ses enfants, d’en demander un peu plus à ses propres enfants… voire sans forcément s’en rendre compte, de les rendre davantage responsables des problèmes que les beaux-enfants. D’autres beaux-parents encore ressentent comme un conflit de loyauté vis-à-vis de leurs enfants ; le temps passé à câliner, à jouer ou à s’occuper des enfants de l’autre est bien souvent du temps pris sur le temps que nous pourrions consacrer à nos propres petits (surtout quand, en garde alternée, on passe notre temps à compter le nombre de jours/heures qui nous reste avec eux avant qu’ils repartent).
Opter pour des temps de ressourcement avec ses enfants
Tout cela crée des crispations en présence des beaux-enfants, des attitudes peu naturelles, des sentiments complexes inavouables qui compliquent le “je ne fais pas de différence entre les enfants.” L’autre solution que j’ai trouvée ? Je m’offre des temps seule avec mes enfants, sans culpabiliser. Car souvent, les moments passés entre un parent biologique et ses enfants seuls sont des temps de repli privilégiés et ressourçants. Les choses s’y passent souvent de manière plus spontanée, plus simplement, plus sereinement. On n’a pas à se partager, pas à trouver de compromis sur les habitudes héritées d’avant, sur les plats préférés, le temps passé avec chacun. Vivre en famille recomposée ne signifie pas forcément passer tout le temps ensemble. Au contraire !
Ces moments en mode “resserré” sont aussi nécessaires à l’équilibre de vos enfants et de la famille recomposée dans son ensemble. Par conséquent, mon deuxième conseil est simple : ne culpabilisez pas et autorisez-vous des moments sans vos beaux-enfants !
Etre transparent, juste et honnête envers tous les enfants
Comment faire toutefois pour ne pas que les enfants de l’autre se sentent déconsidérés ou rejetés, s’ils sentent une différence de traitement ? Bien sûr, il faut tâcher au maximum d’être juste.
Eviter autant que possible les traitements de faveur
Ne pas délibérément et ouvertement privilégier les uns ou les autres, de manière arbitraire.
Ne pas comparer les enfants (ou les parents d’ailleurs).
Etre juste et transparent dans vos décisions suffira bien souvent à les rassurer, même s’ils sentent certaines menues différences.
La plupart du temps, ils comprennent très bien ces petits écarts car ils expérimentent eux-mêmes au sein de la famille recomposée différents types d’attachements et de comportements (avec tel frère ou telle demi-soeur, avec le parent “biologique” et le beau-parent). Ce qui agace le plus les enfants et les ados ? D’expérience, ce sont nos tentatives plus ou moins adroites d’instaurer une égalité de façade, quand les efforts pour traiter tout le monde pareil sonnent faux.
D’où mon conseil numéro 3 : mieux vaut être sincère, y compris dans nos agacements, malaises et contradictions, que nier la vérité. La psy Yvonne Poncet-Bonissol le résume très bien dans son livre Vivre heureux en famille recomposée : “Rechercher l’égalité absolue n’est pas bon. Il faut être transparent, juste et honnête.”
A bon entendeur !