Ces sujets qui pourrissent la vie des familles recomposées
Heureux ensemble

Ces sujets qui pourrissent la vie des familles recomposées

Vous n’êtes pas vraiment sur la même longueur d’ondes côté éducation ? Vous avez l’impression que certains désaccords – voire gros conflits – autour de votre façon d’élever chacun vos enfants sont inévitables ? Voici les grands sujets du quotidien sur lesquels toutes les familles recomposées (ou presque) se heurtent et quelques astuces pour éviter l’escalade.

Réunir sous le même toit des enfants qui ont reçu pendant les premières années de leur vie des éducations parfois très différentes relève d’un sacré défi. Premier conseil : avant d’habiter ensemble, mieux vaut en discuter à deux, pour accorder vos violons sur ce qui est pour chacun primordial, tolérable ou inacceptable. L’école, le respect, le goût de l’effort… Nous avons chacun des fondamentaux éducatifs qui nous sont chers. Mais à l’usage, les différences d’éducation et les petits conflits qui en découleront ne se situeront pas seulement au niveau des valeurs et des grands principes éducatifs, mais aussi au niveau du contenu du frigo, du temps accordé devant les écrans ou sur le fait d’aimer la randonnée ou le farniente en vacances. Parce que la transmission en famille ne repose pas seulement sur de grands principes éducatifs, mais plutôt sur une accumulation de petits détails, d’habitudes et de codes, parfois implicites, parfois intégrés par mimétisme… Mais bien souvent incompréhensibles pour “l’autre famille”.

Dans son livre Et la famille recomposée ? Pas facile, mais possible !, Béatrice Copper-Royer, psychologue, dresse la liste des “gros sujets sensibles” qui crispent 99% (chiffre totalement subjectif) des familles recomposées.

1- Les repas

Le lieu de tous les dangers. Celui où s’affrontent la famille « où-les-enfants-mangent-des-légumes-même-les-brocolis” et celle “où-il-faut-qu’ils-soient-noyés-dans-le-ketchup-et-encore-les-soirs-de-pleine-lune”, la “tribu-healthy-on-limite-le-gluten-et-les-sucres-raffines-merci” et celle de “une-Danette-n’a-jamais-tué-un-gosse-ils-auront-bien-le-temps-de-se-prendre-la-tête-sur-leur-assiette-plus-tard”. Sans compter les potentielles origines régionales différentes qui font que la fleur d’oranger, les endives ou le boudin noir peuvent être accueillis avec un enthousiasme très variable.

Reste alors à savoir si on fait plusieurs plats en espérant que chacun trouve quelques bouchées à grappiller ou si l’on cherche les plats qui mettent tout le monde d’accord, quitte à tourner sur 3-4 recettes max.

Et si le “ce qu’on mange” divise, il y a aussi le “comment on mange”… Toute une histoire également, entre les tenants des bonnes manières (qui n’ont pas envie de voir tous leurs efforts éducatifs ruinés par l’arrivée d’enfants moins bien habitués) et ceux pour qui certaines demandes sont un peu “too much”.

“J’ai été élevée dans une famille où les “tiens-toi droite, serre les coudes, garde le petit doigt en l’air” étaient considérés comme des restes d’un temps révolu, des habitudes surannées et inutiles qui nourrissaient les anecdotes des grands-mères sur leur jeunesse. Je crois que je n’ai d’ailleurs jamais prononcé ces mots à table avec mes enfants. Alors autant dire que je ne me serais jamais attendue à ce que mon amoureux, plus jeune, plus geek, plus “cool” en apparence que moi, soit si à cheval sur les bonnes manières à table. Une surprise qui s’est muée en malaise total pour moi quand il m’a avoué que mon fils ne fermait pas suffisamment la bouche à table et que ça l’incommodait un tantinet (mais que “c’est surtout pour ce pauvre enfant” qu’il fallait lui signaler). Aujourd’hui on en rigole, mais au début de notre cohabitation, mon éducation soixante-huitarde (selon lui) et son côté Nadine de Rotschild (selon moi) ont fait de méchantes étincelles.”

Le conseil : en parler d’abord entre adultes, définir les règles communes qui s’appliqueront à tous (dans une logique de compromis). Puis les expliquer aux enfants, de manière positive : ce que chacun a à y gagner. Ce que l’on peut se dire en tant que parents ? Que les familles recomposées font des enfants à haut potentiel d’adaptation. Ce genre de désaccords autour de la table du dîner feront d’eux des adultes tout-terrain, capables de se fondre dans d’autres habitudes, dans d’autres contextes.

2- Les écrans

Aucune famille, aujourd’hui, ne semble à l’abri des tensions autour des écrans. Mais quand deux éducations différentes – et autant d’habitudes – se retrouvent sous le même toit, cela peut vite devenir explosif. Comme pour l’alimentation, il y a les radicaux – “pas d’écran avant 6 ans” – qui vont trouver laxistes ceux qui pensent que “un petit dessin animé de temps en temps ne va pas décérébrer les enfants”. Avec des nuances pouvant se décliner à l’infini. Pour Marielle, c’était “Pas d’écran avant les devoirs, pour des raisons d’attention évidentes. Mes enfants avaient parfaitement intégré que c’était toujours APRES. Que ce soit le soir en semaine (et en temps limité) ou le week-end, où il était interdit d’allumer la TV le matin au réveil. Oui mais voilà, quand j’ai emmenagé chez mon compagnon, j’ai vite découvert que le plaisir de sa fille était de se lever avant tout le monde le week-end pour regarder ses dessins animés préférés avant le petit déjeuner. C’est vraiment son truc à elle, je n’ai pas voulu passer pour une mégère donc je n’ai rien dit. Mais très vite, on s’est rendu compte que nos enfants regardaient la TV le matin avec elle, puis le soir où elle se joignait aux miens. On a dû intervenir pour trouver un cadre commun pour éviter qu’ils y passent deux fois plus de temps qu’avant. Maintenant les dessins animés du matin, ce n’est que le dimanche car les devoirs sont terminés le samedi… Et vous savez quoi ? Après le bazar du début, ça s’est plutôt bien passé.”

Les témoignages de familles recomposées montrent en revanche qu’à partir d’un certain âge et avec l’apparition des portables et des jeux vidéos, tout se complique. Contrôle parental ? Limitation de temps ? Portable à table ? Portable qui ne va pas dans la chambre ? Accorder ses violons entre adultes n’est déjà pas si évident. Helena, mère d’une ado en a fait les frais : “Ma fille aînée, 14 ans, est naturellement très raisonnable avec les écrans. Elle ne fait pas d’efforts particuliers : elle aime lire, dessiner, écouter de la musique. Mais elle aime regarder de temps en temps des séries. Je lui ai donc donné mes codes Netflix en gardant un oeil sur son temps de connexion quotidien, qui restait toujours très acceptable. Sauf que le fils de mon conjoint, beaucoup plus “accro” à son portable et plus âgé, n’avait jamais eu la permission d’avoir Netflix sur son portable, car il squattait déjà beaucoup la TV familiale en matant ses séries par lots de 4 épisodes. L’affaire a fait scandale : grands cris, sentiment d’injustice, tentatives d’explication… J’ai fini par supprimer Netflix du portable de ma fille après avoir beaucoup discuté. Et elle a compris. Maintenant, même si quelques dents ont grincé, Netflix c’est à tour de rôle dans le salon”.

Le conseil : comme pour l’alimentation, fixez les règles entre adultes et présentez-les ensemble. Pour qu’elles soient acceptées au mieux par les ados, qui n’aiment guère les limites et gèrent parfois mal la frustration quand on en vient aux écrans, l’idéal est de les associer à l’élaboration de ces règles. Pour Béatrice Copper-Royer : “Elles seront mieux respectées si vous les établissez tous ensemble, sans trop de rigidité, en évitant la critique directe puisque cela les passionne, mais avec cohérence et fermeté.”

3- Les vacances

“Je pensais que pour la première rencontre des enfants, les vacances et leurs plaisirs simples allaient être un cadre propice. J’avais tout faux…” aime à raconter Sophie, 2 enfants à elle et 2 beaux-enfants, tous assez proches en âge, entre 4 et 10 ans au moment de ladite rencontre. La raison ? La définition plutôt sportive de ce que sont des congés réussis pour son compagnon, et sa vision plus “grasse mat’ et détente” des VRAIES vacances. “Au début, nous étions de bonne volonté : mes enfants se sont essayés aux randonnées, les siens aux visites de village et aux après-midis chaises longues et jeux de cartes. Mais assez vite, les remarques et les couacs sont arrivés : les uns s’ennuyaient trop, les autres ne voulaient pas bouger, les petits avaient mal aux jambes. Moi je trouvais que ses enfants se levaient trop tôt, il trouvait que les miens se couchaient trop tard et étaient tout le temps fatigués. Au final, ces vacances ont été super stressantes pour tout le monde et on a décidé de limiter les semaines en commun l’été suivant pour préserver des temps chacun avec ses enfants et à son propre rythme. Et ça se passe très bien aujourd’hui ! Ils sont tous plus grands, plus aucun ne veut décoller de la piscine !”

Si pour une première rencontre avec vos beaux-enfants, le côté 24h/24 des vacances n’est pas forcément la meilleure solution, certaines tribus partent avec l’espoir que la pause estivale fasse office de “trêve” dans les tensions. Disons-le tout de suite, si conflits il y a, les vacances ne vont pas par magie les effacer. “On ne laisse pas derrière soi les difficultés qui existent pendant l’année : les vacances peuvent au contraire avoir un effet de loupe. “

En revanche, pour beaucoup et c’est plus joyeux, les vacances ont fait office de “générateur de souvenirs joyeux communs”. Moins de contraintes (si on ne multiplie pas les activités et devoirs de vacances), plus de temps partagé… “On peut profiter de ces moments pour casser les hiérarchies habituelles et mettre tout le monde au même niveau: ainsi le partage des chambres peut être repensé : ceux qui dormaient ensemble peuvent être séparés, celui qui était seul peut aller dormir avec un autre… précise ainsi la psy Béatrice Copper-Royer. Des complicités nouvelles et inattendues peuvent en naître avec le temps.

Le conseil : ne vous entêtez pas ! Si les vacances ensemble tournent au cauchemar, mieux vaut miser sur un temps vraiment ressourçant, chacun de son côté. Et retenter l’année suivante, par exemple. Avec une meilleure connaissance des uns et des autres, un peu plus de maturité d’un côté ou de patience de l’autre, tout pourrait se passer beaucoup mieux à l’avenir. Mais quoi qu’il arrive, ne pas arriver à vivre pleinement des vacances communes comme dans une pub Ricoré n’est pas un aveu d’échec. Nous avons tous besoin de soupape de décompression ! Sans oublier que les enfants ont besoin de temps de qualité avec leur parent biologique. Quelques jours en mode “resserré” ne peut donc que faire du bien à tout le monde…

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.