Pendant 10 ans, j’ai tout donné et je me suis épuisée… jusqu’au dégoût de la vie en famille recomposée
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“Pendant 10 ans, j’ai tout donné et je me suis épuisée… jusqu’au dégoût de la vie en famille recomposée”

[Famille recomposée : elles ont jeté l’éponge] Nina est devenue, très jeune, belle-mère de très jeunes fillettes. Dès le début, elle s’implique, se surinvestit mais quand elle devient mère et les filles ados, tout se complique et se délite. Elle se sauvera – littéralement et symboliquement – en partant retrouver son père dans le Cantal. Aujourd’hui, le couple vit à distance mais la famille recomposée peine à panser ses blessures. Récit d’un éloignement salvateur.

J’ai rencontré mon mari à l’âge de 24 ans. Il était à l’époque marié avec 2 petites filles qui avaient 4 mois et 4 ans. On était d’abord amis, puis la relation a fini par évoluer. Ce n’était pas ma demande mais il a quitté sa femme et on s’est mis ensemble à la suite de sa séparation.
Il avait ses filles une semaine sur deux et j’ai très vite habité avec eux. Il n’a pas été facile de trouver ma place mais j’ai plutôt été bien acceptée comme jeune belle-mère. Il faut dire qu’elles étaient toutes petites et que je me suis impliquée beaucoup, très tôt, car je travaillais moins que le papa et la maman.
Je me suis vraiment surinvestie. Rétrospectivement, je pense que c’était pour me faire accepter, pour me légitimer. Il avait quitté sa femme pour moi, cela créait aussi une forme de pression insidieuse. Et puis j’étais moi-même enfant de parents divorcés, je savais ce que cela voulait dire pour ses filles. Donc pour moi, c’était hyper important de m’engager auprès d’elles.

Etre toujours celle qui passe en dernier

Je n’aime pas le conflit, j’ai toujours fait en sorte d’être dans l’empathie, la bienveillance, je n’ai jamais rien dit sur la maman. Les choses étaient apaisées mais j’avais l’impression de toujours passer en dernier : mon mari était très axé sur ses filles, nous n’avions pas beaucoup de temps à deux, il “protégeait” beaucoup la maman de ses enfants, aussi. Il y allait régulièrement et revenait en me disant “J’étais chez mon ex pour l’aider à faire ci ou ça, il faut bien que je l’aide.” Un jour où je lui ai reproché de ne pas m’avoir avertie qu’il passait la journée avec ses enfants et son ex, il m’a répondu que c’était ses filles, que c’était pour leur bien… et que la porte était ouverte, si ça ne me convenait pas. 
Je suis partie une première fois. Mais il s’est accroché, il m’a promis qu’il allait changer. Et je suis revenue. Dans les faits, ça a vraiment fait changer pas mal de choses dans ses rapports avec son ex. Mais surtout, il avait envie qu’on ait un bébé à nous.

De l’investissement à l’épuisement

Ces 7 premières années, jusqu’à ce que je tombe enceinte, j’ai eu l’impression de beaucoup, beaucoup donner. En 2019, quand j’ai eu mon petit garçon (qui a été très bien accueilli) je me suis dit que ma place allait changer, que le centre de gravité allait basculer vers notre foyer à nous, que nos enfants allaient se mélanger, que ce serait notre famille. J’espérais une nouvelle énergie. 
Nous qui habitions près de la maman des filles, nous avons déménagé en banlieue, dans un appart plus grand. C’est aussi à ce moment-là que les filles sont devenues ado : elles passaient de plus en plus de temps enfermées dans leur chambre, à faire la tête, elles parlaient mal… De son côté, la maman ne les prenait pas toujours en vacances, elle travaillait beaucoup. Et moi qui avait toujours été le filet de sécurité, j’étais moins disponible parce que je m’occupais de mon petit garçon, mais aussi parce que j’ai repris des études à la maison. Je révisais la nuit, j’étais sur les rotules. La grande pouvait se montrer odieuse, mais le papa minimisait :  “C’est dans ta tête”, “c’est des ados”… Quand je lui demandais d’assumer son rôle de “pivot” entre elles et moi, il me répondait que c’était MES relations, que c’était à moi de le faire.

Partir de la famille recomposée pour “couver” et se préserver

C’est à ce moment-là que j’ai perdu un deuxième bébé.. Je me suis retrouvée très fatiguée, plus bas que terre. Des filles, de mon mari, je n’ai reçu aucun soutien. J’étais dans mon coin, elles ne me disaient pas bonjour, mon mari répondait que c’était parce que je mettais une sale ambiance. Je me sentais simplement en trop dans cette famille. 
Quand mon mari a parlé aux filles de la fausse-couche, elles l’ont hyper mal pris… parce qu’on ne leur avait pas demandé leur avis. “Ce bébé n’aurait pas été notre frère ou notre sœur” lui auraient-elles balancé. 
Ca a été très dur pour moi mais je suis retombée très vite enceinte. Mes analyses et examens n’étaient pas bons: il y avait des risques que je perde encore ce bébé. Et moi, j’appréhendais tellement leur réaction… C’est à ce moment-là que j’ai trouvé un stage dans le Cantal, loin de Paris mais près de mon père. J’ai emmené mon fils qui était en maternelle dans ce cocon familial. Bien sûr, mon mari était un peu sceptique, mais pour 3 mois, il a accepté. Surtout que mon médecin me disait qu’il fallait que je me remette sur pieds pour le bébé. 
Sauf qu’à la fin des 3 mois, j’ai décidé de ne pas revenir. Je ne pouvais juste plus revoir mon appartement. J’ai décidé de rester dans le Cantal, sans dire pour autant « c’est fini ». 

Un lent rétablissement

Mon mari faisait les allers-retours un week-end sur 2 pour voir notre fils. Mais il me disait que je quittais le navire, que je manquais aux filles. En réponse, j’essayais de lui expliquer l’ambiance, le manque de soutien. Il répondait toujours que c’était moi, il niait toujours mon état. J’ai fini par me demander si c’était moi en effet, si j’étais trop fragile.
Heureusement, mon père m’a beaucoup aidée. Le fait de me retrouver dans un endroit “safe” pour moi, aussi. 18 mois sont passés. Les filles ne voulaient plus entendre parler de moi, elles disaient à leur père qu’elles me détestaient. 
Mais moi, pendant ce temps, je me suis rétablie ! J’ai commencé à sortir la tête de l’eau… Et j’ai eu ma fille. 

Se séparer ou continuer ?

On a pensé à se séparer mais on ne l’a pas fait. Je lui ai demandé son soutien, qu’on devienne enfin un couple soudé, qui parle d’une même voix. On a aussi décidé d’entreprendre une médiation avec la grande pour voir si on pouvait revivre ensemble un jour. Nous n’en sommes qu’aux débuts. Mais en attendant, je suis toujours dans le Cantal. Mon fils est scolarisé ici, ma fille grandit. Mon mari continue de faire les allers-retours. 
Et sincèrement, je ne me vois pas remonter dans cet appartement. J’ai conscience aujourd’hui d’avoir tout donné de mes 24 à mes 34 ans pour être acceptée au maximum. Je sais que je ne me suis pas écoutée et que je me suis épuisée. Je me dis avec le recul que je n’aurais pas dû emménager tout de suite avec eux, j’aurais dû garder du temps à moi, pour moi.
Quand je vois la relation délétère avec les ados aujourd’hui, je regrette d’avoir été aussi présente dans le quotidien. Si je n’avais été là que pour les bons moments, ça aurait sans doute été plus simple.

Le couple à l’épreuve de l’incompréhension

Reste que vivre avec mon père à 35 ans, ce n’est vraiment pas ce dont je rêvais. Mais ça m’a sauvé. J’attends que mon mari ait une vraie prise de conscience : qu’il prenne enfin en compte ce que je ressens, qu’il arrête de nier mes difficultés… tout part de là. Lui protège ses filles, il fait beaucoup pour elles, bien plus que pour nos enfants qu’il voit moins. Et puis, j’aimerais bien être protégée, aussi, un peu parfois. Car des coups, j’en ai pris et j’en prends encore : les ados, ça peut faire mal ! Mais lui me répond : « comment ça, te protéger d’enfants ? ». 
Je n’ai pas complètement tourné les talons car on est toujours mariés, on est toujours des parents. Mais je ne sais pas vers quoi on va. Je sais en revanche que j’ai eu une espèce de dégoût de ma vie en famille recomposée. Aujourd’hui, je me rends compte que je n’ai jamais pu y trouver ma place, surtout quand les filles ont grandi. Et même si je n’aime pas faire des comparaisons, je vois bien que même par rapport à nos enfants, ce sont ses premières filles qui continuent de passer en premier…

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.