Vie de belle-mère : “J’ai pris le package sans réaliser ce que ça allait représenter pour moi”
Passer d’une vie de célibataire à 300 à l’heure à celle de famille nombreuse à temps plein, trouver la bonne place vis-à-vis d’enfants qui ont beaucoup souffert de la séparation parentale, devenir mère et conjuguer les premiers mois d’un nouveau-né d’un côté et les crises d’ado de l’autre… Pour Clémence Bernard, la recomposition n’a pas vraiment été un long fleuve tranquille. Mais avec le recul, ce sont toutes ces étapes, toutes ces épreuves qui ont permis à sa famille d’être aussi forte et solide aujourd’hui. Et c’est surtout ce qui lui a donné envie d’en faire un podcast positif, bienveillant et inspirant : “La Belle parentalité”. Rencontre.
“J’ai rencontré mon conjoint il y a plus de 10 ans. C’était un papa avec 3 enfants qui sortait d’un divorce hyper compliqué. De mon côté, j’étais une célibataire très libre et qui, parce qu’elle est tombée très amoureuse de cet homme, s’est retrouvée du jour au lendemain (ou presque) à s’occuper des enfants à temps plein !
L’impression de prendre la place d’une autre
J’ai mis beaucoup de temps à rencontrer ses enfants du fait des difficultés liées à la séparation. Ils avaient alors 8, 10 et 12 ans et c’était des enfants qui avaient énormément souffert, qui étaient très fragiles, et je dirais en manque d’amour maternel. Je pense que je suis arrivée dans leur vie à un moment où ils étaient prêts, et demandeurs inconsciemment d’une présence féminine. Donc je n’ai jamais expérimenté de sensation de rejet.
En revanche, la difficulté pour moi, c’est que je me suis retrouvée subitement avec une famille nombreuse, à temps plein. J’avais une carrière sympa, je voyageais beaucoup pour mon travail. Je n’avais aucune conscience de ce qu’était une vie de famille. Et aucune idée sur ce qu’était une famille recomposée. Mes parents avaient beau avoir un temps vécu séparés, ils n’avaient eu que des amoureux sans rôle éducatif. Donc je n’avais pas de modèle.
J’ai pris le package mais j’ai réalisé assez tard ce que ça allait représenter pour moi. Je ne soupçonnais pas tout ce que ça allait remuer en moi, cela a fait remonter tant de choses de l’enfance ! Exactement comme quand tu deviens mère : plein d’émotions, de hauts et de bas.
Et puis, il y a eu quelques prises de conscience : par exemple, en tant que célibataire, j’avais l’impression d’être hyper sociable et altruiste. Mais quand j’ai emménagé avec les enfants, j’ai réalisé que non, j’étais plutôt très centrée sur moi ! La logistique familiale, les allers-retours non stop… J’avais la sensation d’être envahie dans mon espace de liberté (et pourtant, j’avais gardé mon appart un an avant d’emménager avec eux !)
L’autre grande difficulté à laquelle je me suis heurtée est liée au fait que je les ai rejoints dans une petite maison, qui n’était certes pas la maison familiale dans laquelle tout le monde avait vécu avant avec la maman, mais une maison qui était là où ils avaient construit leur vie. Ca m’a parfois donné l’impression de venir me greffer sur cette vie d’avant. Et même parfois de prendre la place d’une autre.
Clairement, j’aurais préféré construire une autre vie avec eux, partir ailleurs pour tout reconstruire. Mais on ne voulait pas les perturber davantage donc pendant 10 ans, on n’a pas pensé à nous, mais à eux d’abord.
L’impossible place de la sauveuse
On a mis du temps à trouver nos places à 5, ça a été long, surtout avec l’arrivée de cet âge compliqué qu’est l’adolescence… Ça nous a coûté pas mal de crises, de moments assez explosifs. Même si ce sont des enfants adorables et aimants, j’ai souvent eu l’impression d’être à une place qui n’était pas la mienne et eu du mal à me positionner vis-à-vis d’eux.
Je pense que je suis assez maternelle, avec un tempérament assez protecteur. Mais je n’étais pas du tout câblée pour éduquer 3 enfants qui n’étaient pas les miens. Trois enfants qui avaient une maman avec laquelle il n’y avait pas de liens, mais pas mal de problèmes.
Ca a été un autre écueil : je me suis mise dans une place de sauveuse, comme beaucoup de belles-mères qui ont envie de réparer des choses qui ne sont pas de leur fait. Avec en prime une culpabilité assez troublante car bien sûr, on ne peut pas tout réparer, il faut apprendre à se dégager de cette charge. Mais avant d’y parvenir, j’en ai peut -être fait un peu trop, pour créer du lien avec les enfants, pour leur « plaire ». Car au fond, quel beau-parent n’a pas peur de ne pas être aimé de ses beaux-enfants ? Leurs attentes ont pu me dépasser par moments, mais aucun n’a été vraiment hostile, ce qui aurait été hyper compliqué pour moi.
Rester belle-mère quand on devient mère
Notre fille est née en 2016, soit 5 ans après notre rencontre, et 3-4 ans de vie commune. Et bien sûr, ça a fait encore bouger les places de chacun. On avait beaucoup d’attentes vis-à-vis de ce bébé du lien familial. Et le Jour J, on a fait face à des réactions différentes en fonction des enfants : jalousie, peur de l’abandon… pour une autre, au contraire, ça a semblé plus facile. Au final, on a tous repris une place différente. Le petit dernier n’était plus le petit dernier. L’enfant du milieu, elle, n’était plus la dernière fille de la famille… Mais le lien s’est construit avec cette petite sœur.
Pour moi, en revanche, ça a été compliqué de devenir mère en restant leur belle-mère. Rester disponible pour eux, qu’ils ne ressentent pas de différence dans le soin quotidien qui leur était apporté… Mais c’était hyper compliqué de gérer de front la vie avec un nouveau-né et leurs crises d’ado. Moi, j’avais besoin d’être avec mon bébé, c’était difficile d’être au diapason de l’adolescence.
Une famille recomposée solide
Ma chance, c’est d’avoir été soutenue par mes proches, et notamment par des amies très présentes qui m’ont encouragée à avancer dans ma famille recomposée. Elles ont été très importantes car il est facile de se sentir isolé. Moi, j’ai pu, dans les moments difficiles, décharger sans être jugée. A chaque crise, elles ont su trouver les mots qui m’ont donné envie de continuer. Car oui, au fil des années, il y a eu des envies de partir assez régulières.
Avec le recul, on est tous sortis grandis de tout ça. Je pense que c’est ce qui a donné un socle fort à notre famille, et à notre couple aussi, qui a fait les frais des crises. Mais je remarque que beaucoup de couples recomposés qui ont été mis à rude épreuve se révèlent très solides. Ça soude énormément !
Et Clémence en fit un podcast : aux origines du projet “La Belle Parentalité”
Au début de l’aventure, j’ai vraiment manqué de contenus sur la famille recomposée. Je ne lisais pas assez d’articles, ne trouvais pas beaucoup de livres. Je me posais 10 milliards de questions et je ne trouvais pas de réponses. Je manquais de théorie et de retour d’expérience. D’où l’idée de ce podcast qui mêle des paroles d’experts et des témoignages de tous les acteurs de la famille recomposée. J’avais aussi envie de laisser une trace de ce truc de fou qui m’était arrivé. J’avais envie de me raconter mais pas que ! Je voulais que mes beaux-enfants aient une place, je voulais extraire de ce que j’avais vécu des outils pour aider les autres. Et surtout, je souhaitais laisser la parole aux beaux-parents et aux parents, aux enfants et aux grands-parents… A tous ceux qui vivent, chacun à leur manière, cette folle aventure !
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