Recomposer sans vivre ensemble
Famille recomposée,  Heureux ensemble

Une famille recomposée sans vivre ensemble, c’est possible ?

Emménager ensemble ou pas ? Attendre un peu, beaucoup, jusqu’à ce que les enfants soient grands ? Et si on s’est trompé, si vivre tous ensemble avec les enfants n’était pas une si bonne idée… Peut-on sauver son couple en repartant habiter chacun chez soi ? Tous les couples concernés par la famille recomposée se sont posés au moins une fois ces questions. La coach Estelle Jouquan nous aide à y voir clair dans ces questionnements difficiles et à trouver les bonnes réponses pour notre histoire.

En famille recomposée, il y a souvent quelques hésitations avant de franchir le pas de l’emménagement tous
ensemble
. Certainement plus que les premières fois, ou dans des configurations plus traditionnelles… Est-ce justifié, selon vous ? 

Estelle Jouquan : S’il y a hésitation, c’est qu’il y a questionnement. C’est déjà une bonne chose ! Il vaut mieux ça que sauter le pas sans y réfléchir.
Et oui, c’est normal. Dans les configurations plus traditionnelles comme l’aménagement d’un couple, il n’y a que deux individus. Les questions qu’on peut se poser sont assez vite évoquées et l’un peut rassurer l’autre.
Dans le cadre d’une famille recomposée, il y a des « facteurs » que vous ne maîtrisez pas : ce sont les
enfants. Il y a donc énormément de questions qui restent en suspens, d’où vos hésitations. « Est-ce que mes
enfants vont l’aimer ? Est-ce que ses enfants vont m’aimer ? Est-ce que les enfants vont bien s’entendre
entre eux ? »
Ces questions sans réponses ne sont pas très rassurantes. En plus de cela, au moins un des deux partenaires a déjà vécu une première séparation. Personne n’en sort indemne. Alors vous doutez : « Vais-je réussir cette fois cette vie de famille ? Et si je me trompais ? »

Le conseil de la coach : Je propose dans ces cas-là de lister toutes les questions que vous vous posez. Vous pouvez faire cet exercice à deux. Cela permettra d’amorcer certaines discutions et d’échanger vos points de vue. Vous pourrez confier en toute transparence vos craintes à votre moitié et rassurez également votre partenaire avec les siennes.Vous pouvez faire les colonnes des plus et des moins de la situation. Même si vous n’avez pas toutes les réponses aux questions, le fait déjà de se les poser vous donnera une longueur d’avance. Vous vous serez préparé psychologiquement.


Certains décident de ne pas vivre ensemble du tout. De rester durablement chacun chez soi (avec ses enfants
pour ceux qui en ont)… D’après vous, peut-on « recomposer » une famille sans un quotidien sous le même toit ?

Estelle Jouquan : J’appelle volontairement ce type de familles des « familles semi-recomposées ». En réalité, tout dépend de ce que vous voulez construire. Vous pouvez très bien décider de vous focaliser sur votre couple et d’éviter la cohabitation avec les enfants. Vous vous préserverez ainsi de certaines situations désagréables et d’éventuelles tensions. Si cette décision est prise en commun, il n’y aura aucun problème pour le couple et la famille. Vous pourrez même en faire une force.
Mais si vous restez chacun chez soi, vous ne partagerez pas le quotidien avec les enfants de votre partenaire ou votre partenaire avec les vôtres. Les liens entre eux et vous mettront plus de temps à s’établir. Car c’est en partageant le quotidien, les joies, les peines que les liens naissent et se renforcent. Il faudra donc veiller à s’aménager suffisamment de temps tous ensemble pour des moments « en famille ». Sinon, les
enfants pourraient avoir l’impression que vous êtes simplement de passage dans leur vie.
Autre élément à prendre en compte si vous optez pour le « chacun-chez-soi » : vous ne connaîtrez pas l’autre facette de votre conjoint, celle où l’autre est papa ou maman. Les couples que je reçois me disent souvent : « il/elle n’est pas pareil les semaines avec enfants ou sans enfants ! » C’est comme si cela révélait une autre personnalité. À vous de voir si vous voulez connaître votre moitié à 100% ou si ce que vous percevez de lui/ elle en tant que parent est déjà suffisant à vos yeux.

Le conseil de la coach : Il n’y a pas de situations parfaites. Chacun est libre d’agir au mieux pour soi et ses enfants. Il faut trouver son équilibre de famille.

Estelle Jouquan, coach certifiée mais avant tout une femme qui a trouvé son équilibre de vie au sein de sa famille recomposée. Maman de 2 enfants et belle maman de 3. Elle a grandi avec des parents séparés depuis l’âge de 6 ans.

C’est donc tout naturellement qu’elle s’est spécialisée dans le coaching en famille recomposée. Par son expérience de vie, elle comprend les problématiques que les nouvelles configurations familiales peuvent poser aux enfants et celles rencontrées par les parents et beaux-parents. 

Son meilleur conseil ? Pour une famille recomposée heureuse, c’est le temps votre meilleur allié !

Plus d’infos sur son site

D’autres sautent le pas. Mais parfois la cohabitation est difficile et certains ne souhaitent plus continuer à vivre
ensemble… De votre expérience, est-ce que c’est fréquent pour les familles recomposées ?

Estelle Jouquan : Il est vrai que j’ai déjà vu en coaching des familles pour lesquelles la cohabitation se
passe moins bien. Ce que je constate ? Beaucoup oublient souvent de prendre l’autre personne ou les enfants comme ils sont. Ils restent dans un schéma d’éducation établie, dans le souvenir du confort qu’ils ont réussi à établir après la séparation. Ils ont du mal à retrouver de nouvelles habitudes. Or il faut du temps pour que chacun prenne ses marques. Et malheureusement, je constate souvent que la communication et l’écoute font défaut dans le couple. Même si on a l’impression de tout se dire ! C’est ce que je travaille le plus lors des séances et c’est fou le nombre de situations qui se débloquent après s’être VRAIMENT tout dit.
Parce souvent, nous passons certaines choses sous silence pour des raisons très différentes.

La majorité des personnes pensent que ce qu’elles ont à dire est évident parce qu’elles supposent que le partenaire doit le savoir ou penser les mêmes choses. Cela concerne souvent leurs propres limites. Un exemple commun ?
– « Ton fils m’a fait une réflexion à table que je n’ai pas appréciée et tu n’as rien dis… »
– « Je n’ai rien dit car pour moi c’était pour rire, je ne vois pas où est le mal. Pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant »
– « Car je pensais que tu allais réagir et que cela paraissait évident qu’il est allé trop loin »

Certains couples, eux, n’évoquent simplement jamais ensemble la nouvelle parentalité et le rôle du beau-parent.
– « Je ne comprends pas pourquoi tu ne passes pas plus de temps avec mes enfants. »
– « Je ne suis pas leur père, je n’ai pas envie de m’imposer et puis je pense qu’ils préfèrent être avec toi »
– « Je ne pense pas, je pense au contraire que vous devriez échanger davantage. Vous pourriez faire une activité cette après-midi ensemble. »
– « C’est vrai, je n’y avais pas pensé »

Pour certains couples, les habitudes de vie données aux enfants ne sont pas les mêmes et en se retrouvant sous le même toit cela peut faire des étincelles. Le couple préfère éviter d’en parler, pourtant avec le temps cela peut ternir les relations. Démonstration :
– « Je ne comprends pas pourquoi tes enfants laissent toujours trainer leurs affaires et que tu ranges à leur place. »
– « Tu sais, après la séparation j’ai pris l’habitude de le faire et cela ne me dérange pas »
– « Oui mais le temps que tu passes à le faire, c’est du temps en moins pour nous, je pense qu’il faudrait qu’ils prennent conscience de cela »
« Je n’avais pas vu cela sous cet angle »

Bien souvent, ils pensent que cela va préserver leur couple de garder pour eux ce qu’ils ont à dire. Personne ne veut passer pour le méchant, le râleur. Ils se disent qu’ils vont pouvoir faire avec et qu’avec le temps ça s’arrangera. C’est une erreur car souvent c’est un poison qui peut créer la rupture de la famille recomposée. Au final personne ne trouvera sa réelle place.

Le conseil de la coach : Dites-vous que toutes les configurations sont possibles. Un couple qui s’aime très fort peut prendre la décision de ne plus vivre sous le même toit. Là encore, si le couple a le même désir et qu’il y a un équilibre dans la prise de décision, cela se passera bien. Cela donnera même un second souffle au couple. Personnellement, je n’ai pas eu de couples à coacher après leur décision du « chacun chez soi ».


Souvent, quand les difficultés viennent des enfants, on part avec l’idée de tenir jusqu’à ce qu’ils soient
grands avant d’habiter ensemble : est-ce réaliste ? Est-ce « céder » aux enfants ? Se sacrifier ? 

Estelle Jouquan : Quand les difficultés viennent des enfants, il faut déjà comprendre pourquoi. S’adapter à leur réaction est une preuve d’intelligence. Avec la maturité de l’adulte, le recul, l’expérience, on peut parvenir à prendre les enfants comme ils sont et à écouter en priorité leurs besoins pour les comprendre. Dans ce cas, ce ne sera pas vécu comme un sacrifice que de revoir sa copie, que cela prenne plus de temps au couple pour se retrouver sous le même toit.
Mais d’un autre côté, le couple peut se sentir frustré car leurs projets à deux sont freinés. Ils pensaient que ce serait plus facile, plus rapide. Cela peut générer donc des tensions entre eux, jusqu’à ce que la colère et la frustration prennent le dessus.

Le conseil de la coach : « N’oubliez pas que vous vous êtes rencontrés et que vous vous aimez. Que vous décidiez ou non de vivre ensemble, ce sera votre choix. Les enfants eux, n’auront jamais ce choix, et ils pourront ne pas accepter les conséquences du choix de leurs parents. Ne pas respecter leurs ressentis, leur imposer vos décisions pourrait bien accentuer leur rejet… de la vie commune, de votre partenaire, de ses enfants éventuellement.
J’ai mentionné les étapes de l’acceptation dans un précédent article « Mes beaux-enfants me rejettent, que
faire? « . Je vous invite à le lire. Vous comprendrez que c’est étape par étape que vous arriverez à construire votre
famille recomposée. Et que le bon moment peut-être plus tard. Car ce qui est vrai aujourd’hui n’est pas vrai demain. Il faut être résiliant sans abandonner vos projets et toujours y croire. Ne soyez pas fataliste en pensant : »On n’y arrivera jamais ». Voyez-y plutôt l’occasion de consolider votre couple. Au moment opportun, vous sentirez que vous pourrez franchir le cap de vivre sous le même toit… et peut-être bien avant que les enfants soient grands !

Si on ne veut plus de cette vie recomposée, il est souvent difficile d’en parler, de l’annoncer à son ou sa
partenaire. Comment faire ? 

Estelle Jouquan : Il est important de comprendre pourquoi vous ne voulez plus de cette famille recomposée. Est-ce par manque d’amour ? Est-ce lié à un manque de soutien de votre partenaire face à des difficultés du
quotidien ? Est-ce lié à vos enfants, aux siens ? Avant de pouvoir en parler à votre partenaire, il faut déjà être au clair avec soi-même. La communication n’en sera que plus facile.
Le conseil de la coach : ces situations nécessitent parfois d’être aidé. Je vois des personnes en coaching qui
développent souvent des sentiments de culpabilité et d’échec. Elles n’arrivent pas à prendre du recul face à la situation. Or il est pourtant préférable d’analyser et de comprendre avant de pouvoir s’expliquer. L’intervention d’une tierce personne neutre peut être salvatrice.

Vous cherchez plus d’infos sur le rôle d’un coach en famille recomposée ? Estelle Jouquan vous donne toutes les infos sur son site. https://www.jedeveloppement.fr/espace-famille-recomposee/

Le couple peut-il se remettre de cette décision de ne plus vivre ensemble ? Comment surmonter ce qui risque
d’être vécu comme un échec ?

Estelle Jouquan : Si le couple est d’accord, la situation se passera bien. Si la décision vient plus d’une plus d’une personne que de l’autre, le couple risquera davantage d’être fragilisé. L’un en voudra à l’autre, ou l’un se sentira
coupable du non fonctionnement familial.Le couple apparente souvent la séparation à l’échec. L’échec de ne pas avoir su construire une vie de famille « papa / maman et les enfants ». Lors d’une deuxième séparation, les anciens démons ressurgissent. L’important est de savoir pourquoi vous revivez ce que vous assimilez à l’échec. Est-ce pour les mêmes raisons ? Est-ce que c’est une histoire qui se répète ? Une impression de déjà-vécu ? Pourquoi est-ce un échec ?
Les personnes culpabilisent souvent en se disant qu’elles n’y arriveront jamais, qu’elles ne sont pas faites pour vivre avec quelqu’un. « Si cela n’a pas fonctionné avec lui, cela ne fonctionnera jamais avec d’autres », me confiait encore récemment une coachée. Mais il y a de multiples raisons pour qu’une famille recomposée ne fonctionne pas. Il faut comprendre pourquoi la vôtre n’a pas fonctionné. C’était peut-être tout simplement trop tôt et que cet essai n’était pas concluant. Cela ne veut pas dire que dans quelques temps vous ne pourrez pas réessayer ensemble.

Le conseil de la coach : Chaque couple, chaque histoire est unique. Mais d’une manière générale, je dirais qu’il faut autant que possible rester honnête avec l’autre et s’aménager du temps ensemble pour mieux repartir. Donnez-vous
du temps et une seconde chance. On est parfois un peu trop pressés, surtout quand il s’agit de « deuxièmes histoires », d’une deuxième famille. Je terminerais par cette phrase à méditer : « Et si prendre le temps c’est justement ne pas perdre son temps. »

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.