“Après 4 passages devant le JAF et 10 ans de conflit avec son ex, je vais bien” : Morgane s’est désengagée de la famille recomposée pour se préserver
Certaines histoires de recomposition familiale sont plus faciles que d’autres. Celle de Morgane s’est construite au milieu du conflit qui oppose son mari et son ex-femme. Comment dépasser les heurts, les procédures à répétition, le sentiment d’injustice ? Comment trouver sa place de belle-mère sans statut et reconnaissance du rôle du beau-parent ? Au fil des ans, elle a trouvé sa façon d’avancer et de se préserver : faire passer son couple et sa famille avant tout, envers et contre tout.
“J’ai rencontré mon mari il y a une dizaine d’années. Pendant plusieurs mois, nous avons vécu notre histoire d’amour « cachés » et surtout, sans que son passé ne vienne perturber notre présent. Les ennuis ont démarré le jour où son ex-femme a appris mon existence – soit le jour où j’ai rencontré mes beaux-enfants. Le ton a tout de suite été donné : j’ai reçu en pleine nuit un message de sa part qui disait « Tu m’as déjà volé mon mari, merci de ne pas me voler mes enfants ». A partir de là, j’ai su tout de suite que leur séparation n’était pas digérée de son côté. Ce que je ne savais pas, c’est que ce serait toujours le cas 10 ans après.
Vivre son histoire d’amour au milieu des conflits avec l’ex
Leur divorce n’était pas prononcé lorsque nous sommes tombés amoureux et les difficultés ont été crescendo. Elle a refusé tout compromis pour le divorce, a imposé la garde alternée à mon mari et l’a saigné financièrement (ce sont ses mots à elle). Et moi ? Impossible de trouver ma place ou de définir mon rôle là-dedans.
Malgré tout, au milieu de tout cela, mon couple était encore en mode lune de miel. Les semaines où mon homme n’avait pas ses enfants étaient de véritables parenthèses mais les semaines où il avait ses enfants, en revanche, je les ai subies au début, car je n’y existais pas… Puis une fois que je les ai rencontrés, j’ai eu vite fait de me sur-investir auprès d’eux. J’étais la seconde femme du père, j’étais celle qui s’occupait plus d’eux que leur père car lui travaillait beaucoup… Et je vivais avec cette idée reçue qu’en tant que femme, je devais forcément avoir l’instinct maternel et m’occuper de ces deux enfants comme s’ils étaient les miens.
Ca a été une période difficile, avec énormément de disputes avec mon homme. Mais en 2016, après avoir enfin réussi à se dépatouiller de son divorce, nous nous sommes mariés. J’y ai vu une preuve supplémentaire que notre couple serait plus fort que tout. Et pour la première fois, je me suis sentie à ma place et légitime.
Belle-mère au bord de l’épuisement
Mais il est vrai que je me suis épuisée pendant 4 années et demie dans ce rôle ingrat de « seconde femme du père ». J’étais une “Super Belle-Mère”. Impliquée, persuadée que j’allais relever ce challenge incroyable, et puis… J’ai fini par accepter d’endosser l’image de la Marâtre et de le devenir, puisque de toute manière, quoi que je fasse ou ne fasse pas, dise ou ne dise pas, tout le monde me considérait ainsi (mes beaux-enfants, leur mère, mes beaux-parents, le médecin des enfants, la nana du centre de loisirs, la juge etc…). La conclusion que j’en ai tirée ? Que je n’avais que des devoirs mais aucun droit…
De belle-mère à belle-mère
Morgane a créé un compte Instagram et une chaîne Youtube pour revenir sur son vécu de belle-mère et partager ses expériences, ses questionnements et aussi… ses ras-le-bol ! Retrouvez-la vite sur La Marâtre Bien Aimée !
Se désengager pour se recentrer sur l’essentiel
Et puis je suis tombée enceinte de notre fille. Et là, j’ai tout lâché pour me concentrer sur la seule chose qui comptait : notre fille et mon mari… Le reste : BASTA !
Pendant toutes ces années, notre mariage, notre fille et nos choix de vie ont grandement aidé à pallier cette insécurité omniprésente en famille recomposée. Le jour où mon mari m’a dit que je comptais plus que tout le reste, que notre couple était le plus important et la base de notre famille, j’ai su qu’on s’en sortirait. Dans le même temps, lui a compris que mon rôle de Marâtre – en plus de subir le harcèlement/acharnement constant de son ex – m’avait épuisée au point de quasiment me faire tomber en dépression (le burn out de la belle-mère, ça existe !).
Le dernier grand tournant pour nous a été, après la énième décision d’un JAF, de quitter Paris, de quitter « son passé » qui impactait beaucoup trop fortement notre présent. La garde alternée est devenue DVH mais c’était mieux ainsi : mes beaux-enfants étaient ralliés à la cause de leur mère et chaque semaine passée avec eux amplifiait la dissonance entre les deux maisons.
Ce départ a finalement été un soulagement pour mon mari et pour moi : plus de pression, plus de peur de sortir de chez moi et de tomber sur l’ex, de me sentir jugée par des personnes qui connaissaient la famille d’avant ensemble, etc.
Prendre du champ
Bien sûr, le lien avec mes beaux-enfants s’est distendu petit à petit… Mais j’avais été tellement déçue et atteinte avant, que j’ai eu vite fait, à la naissance de notre enfant, de privilégier encore plus mon couple et notre fille à nous. Aujourd’hui, notre quotidien est bien plus facile car le DVH nous laisse uniquement les « bons moments ». Et moi, je ne me prends plus la tête sur leur éducation… J’aurais tellement aimé comprendre plus tôt que je pouvais lâcher prise et accepter de me retirer cette pression que je me suis finalement mise un peu toute seule.
Car au final, on n’est jamais prête à devenir belle-mère : on ne porte pas nos beaux-enfants dans notre ventre, on n’a pas 9 mois pour se préparer à leur arrivée et surtout, ce sont des enfants qui ne correspondent pas à notre “standard”, car ce ne sont pas les nôtres.
Le poids des procédures sur le couple
Mais ces années et ces procédures à répétition ont laissé un goût amer. J’ai la sensation que le seul moment où j’existe, c’est lorsqu’un Juge aux Affaires Familiales a besoin de connaître la situation globale des deux parents.
Alors là, je suis donc toujours « la dame » qui permet de diviser par 2 les charges de M. Papa… Là, j’existe. Mais sinon : JAMAIS ! En France, le statut du beau-parent n’est pas un sujet. Pourquoi ? Car pourtant nous existons dans la vie des beaux-enfants. Il serait temps que notre rôle soit reconnu, nos droits encadrés.
Aujourd’hui, 4 convocations devant le JAF et 1 Cour d’appel plus tard, je vais bien. Bien sûr, à chaque fois, ça a été dur. A chaque fois, j’ai pensé partir en me disant bêtement que si je me « débarrassais » de cet homme que j’aime, je me débarrasserais définitivement de son passé qui n’est pas le mien, et de tout ce qui peut me blesser.
Mais j’ai préféré me concentrer sur l’avenir… Concrètement, je fais passer mon mari, notre couple et notre fille avant tout, tant pis si cela dérange. J’ai compris avec l’aide de ma psy qu’il ne fallait plus que je me mette au milieu de leur histoire et que je devais me préserver aussi. J’ai fait de cette phrase ma devise : « Nul ne sert de se rendre sur le terrain de l’impossible »… «
Des pères qui n’ont pas le droit de refaire leur vie ? Le coup de gueule de Morgane
“Au fil des années, je me suis rendu compte qu’on est resté sur une vision assez ahurissante aujourd’hui : un homme qui refait sa vie, c’est forcément un salaud qui abandonne sa famille nucléaire. Mais si une femme refait sa vie, on l’encourage et on lui renvoie l’image d’une femme forte et autonome, capable de mener de front sa vie pro, perso, ses enfants… On résume : quand c’est un homme c’est lâche ; quand c’est une femme, c’est du courage. Pourquoi ? Il y a 10 ans lorsque je suis tombée amoureuse de cet homme qui avait déjà des enfants, je n’avais pas conscience qu’il n’aurait jamais le droit à une seconde chance et que moi, par voie de conséquence, je n’aurais pas le droit à une première chance tout court…
Il faut que ça change ! Comment ?
Il faudrait que la famille recomposée soit reconnue, car la famille nucléaire est une espèce en voie de disparition… Que les Juges, notamment, comme les coachs, les psys, soient formés aux spécificités de la famille recomposée.
Il faudrait que le beau-parent se voit attribuer un statut – avec des lois qui l’encadreraient.
Il faudrait pour commencer que le beau-parent soit vu et considéré comme un parent bonus dans son rôle auprès des enfants. Et pas uniquement à travers ses seuls revenus. »