Séparation : 5 conseils pour préserver les enfants
Parent séparé

Séparation : 5 conseils pour préserver les enfants

La séparation de ses parents est toujours pour un enfant un véritable séisme, parce qu’elle signe la fin du monde qu’il a connu depuis sa naissance. Voici quelques comportements à adopter (ou à éviter) pour l’accompagner dans cette phase difficile et minimiser le choc de la séparation.

1- Comprendre à quel point la séparation est difficile pour l’enfant

La rupture parentale marque pour l’enfant une rupture “avec le temps d’avant”, celui où il pouvait avoir son père et sa mère, ensemble, avec lui. “Quand ses parents se séparent, l’enfant se retrouve, lui, séparé du couple de ses parents. Il sait instinctivement qu’il lui faudra, maintenant, toujours compter avec un absent”, résume le psychopédagogue et chercheur en sociopédagogie familiale et scolaire Bruno Humbeeck. “Quand il sera avec l’un, c’est parce qu’il sera privé de l’autre et quand il sera avec l’autre, c’est parce que l’un n’est plus là. Or l’absence dans la tête d’un enfant est souvent quelque chose de difficile à concevoir, d’impossible à maîtriser, de compliqué à vivre.” 

Dans son livre Comment préserver ses enfants lors d’une séparation (Mango Editions), Bruno Humbeeck insiste sur le fait que la séparation est peut-être devenue un événement statistique fréquent mais que ça n’en fait pas pour autant quelque chose de banal. Et si en tant qu’adulte, nous avons eu le temps de nourrir notre réflexion, de nous préparer au changement ou de nous projeter dans une nouvelle vie qui nous semble peut-être attirante, l’enfant, lui, voit son monde s’effondrer d’un coup quand ses parents divorcent. Parce que son père et sa mère – cette famille – était le seul monde qu’il a connu. “Pour l’enfant, ses parents qui se séparent, c’est un monde qui se fissure, un univers qui se brise en deux en le laissant lui, au milieu, comme un trait d’union devenu inutile, comme un pont inachevé, bombardé ou démoli, qui ne parvient plus à relier deux rives désormais isolées d’une de l’autre…”

Toutefois, dans cette phase si particulière de la séparation, puis dans la mise en place de la “vie d’après”, il est possible de lui épargner des souffrance supplémentaires ou d’adoucir un peu la déflagration de la séparation.

2- Ne pas minimiser la séparation auprès de l’enfant

L’une des grandes erreurs à éviter pour Bruno Humbeeck est de minimiser l’événement quand on en parle à l’enfant. En tant que parent séparé, c’est bien souvent ce que l’on est tenté de faire, avec toute la bonne volonté possible, sans se rendre compte de l’impact que cela peut avoir sur l’enfant. 

“La minimisation de la séparation est quelque chose de relativement naturel dans la mesure où, en tant qu’adulte, on a accepté l’idée que l’on peut aujourd’hui se séparer sans qu’il y ait une cause déterminée. Si l’on s’aime moins, si on ne s’aime plus ou si l’on aime quelqu’un d’autre, on trouve naturel aujourd’hui d’envisager la séparation. Mais rien que ça, c’est déjà très compliqué à comprendre pour un enfant dont l’univers tout entier reposait sur le couple que formaient son papa et sa maman.”

Autre fait qui tend à nous faire minimiser les choses : les statistiques. Un couple sur deux qui se sépare aujourd’hui en France, cela ne tient plus vraiment de l’exception.

“Effectivement, en tant qu’adulte, on peut se dire “il y a tellement de couples à qui ça arrive…”, cela peut nous inciter à banaliser la séparation. Sauf que l’enfant, lui, voit son monde se fracturer, ce n’est donc pas du tout anodin pour lui. Même si on le présente comme un événement assez banal avec des “Regarde tous les petits copains dans ta classe dont les parents sont séparés !”

Imaginez-vous, pour vous en convaincre, vivre un événement traumatisant. Si je vous dis alors que d’autres que vous vivent la même chose, cela restera pour vous traumatisant, que vous soyez seul ou plusieurs à l’avoir vécu.” 

C’est pour cela qu’il faut pouvoir, en tant qu’adulte, concevoir notre séparation comme un événement qui relève du traumatisme pour l’enfant. “Cela implique qu’il va devoir faire preuve de résilience pour se réaménager tout un autre monde, qui est un monde de personnes séparées. Et en réalité, se créer dorénavant deux mondes à partir de son ancien monde. Bien sûr, on peut pour l’aider, lui laisser entrevoir la perspective de cet autre monde, avec ses bons côtés, mais sans jamais minimiser”, met en garde Bruno Humbeeck.

A lire !

Comment agir pour que l’enfant souffre le moins possible de ce cataclysme qu’est pour lui la séparation de ses parents ? Que dire pour le préserver des préoccupations et des émotions débordantes des adultes ? Comment mettre en place une « bonne » résidence alternée ? Dans ce livre, Bruno Humbeeck, psychopédagogue et chercheur en sociopédagogie familiale et scolaire, donne des clés de compréhension et surtout des outils pratiques pour aider les parents… à aider leur enfant dans cette phase difficile pour tous.

Comment préserver ses enfants lors d’une séparation, de Bruno Humbeeck, Mango Editions, 14,90 euros. A acheter ici

3- Ne pas impliquer l’enfant

On le sait, préserver l’enfant signifie avant tout le laisser en-dehors des disputes de couple, ne pas le mettre au milieu du champ de la bataille de la séparation. En un mot, ne pas l’instrumentaliser. Reste qu’il est difficile de tout lui cacher, d’éviter les clashs en sa présence, de ne pas montrer notre peine ou notre colère, et de faire comme s’il n’était pas concerné par ce qui va se décider.

“Bien sûr qu’il est concerné !”, admet Bruno Humbeeck, “mais il ne doit pas être impliqué ! Il faut respecter son désengagement. C’est-à-dire qu’il doit pouvoir rester neutre, ne jamais avoir à choisir, car cela revient à répondre à cette question atroce pour un enfant : “tu préfères ton papa ou ta maman ?”.“

Démêler les émotions de chacun

Mais préserver la neutralité de l’enfant n’est pas si évident et va nécessiter, souvent, un rôle actif des parents. “Il faut déjà savoir que l’enfant, par ses représentations, va avoir tendance à prendre le parti du parent qui souffre le plus, prévient le psychopédagogue. C’est un mécanisme tout à fait naturel chez l’enfant”. Mais qu’on peut avoir tendance à entretenir ou à voir d’un mauvais œil, en tant que parent confronté aux secousses de la séparation. 

Comment alors préserver activement son enfant ? “On peut lui dire “Reste en-dehors de tout ça, joue avec tes jouets”, répond simplement Bruno Humbeeck. “Tu as droit à tes émotions, à tes besoins, à ton développement à toi.”” 

Ne pas en faire un témoin

Et bien sûr, en tant que parent, nous devons renoncer à tout comportement ou discours qui viserait à mettre l’enfant dans une position de témoin. “Il faut éviter de le prendre à témoin, de le prendre pour témoin, ou de le prendre comme témoin. C’est tout cela qui fait que l’enfant se sent impliqué. Quand on dit devant lui : “la petite, elle voit comment tu me traites”, vous êtes en train de prendre l’enfant à témoin. Quand vous dites “Tu vois comment ta mère se comporte avec moi”, c’est que vous prenez l’enfant pour témoin. Enfin, quand vous dites : “Demande à la petite ce qu’elle en pense de tout ça”, là vous prenez l’enfant pour témoin. Or dans la mise en scène permanente qu’est la séparation, l’enfant n’a à être ni le metteur en scène, ni un acteur ! Il est en-dehors de la pièce, il n’est pas question qu’il ait un rôle à jouer. Même pas celui de témoin passif.”

4- Accompagner son enfant dans ses émotions 

Si on ne doit pas prendre son enfant à témoin, on peut quand même lui demander comment il vit la séparation, comment il se sent. Car la question des émotions est souvent sensible pour le petit enfant qui ne sait pas encore bien les gérer. “Surtout que dans une famille, les émotions ne sont pas toujours très claires : elles ont “tendance à s’emmêler les unes aux autres”, précise le psychopédagogue. “La colère de papa ou la tristesse de maman peuvent vite se transmettre à l’enfant si l’on n’y prend pas garde. Surtout au moment de la séparation, quand les émotions sont en pleine “éruption volcanique”. Or l’enfant n’est pas du tout équipé pour jouer au vulcanologue avec les états affectifs mal contrôlés de ses parents. Tout cela dépasse ses compétences et l’enfant peut très bien se mettre à paniquer à la moindre fumerolle…” 

Il est donc capital qu’il puisse exprimer ses émotions, et faire le point sur le fait qu’elles sont bien les siennes… Et non pas les émotions de quelqu’un d’autre qui lui colleraient à la peau, la faute à ces neurones-miroirs qui créent chez nous empathie et parfois confusion. “Si maman est triste, et que l’enfant dit “je suis triste”, on a l’impression que c’est une façon pour lui de mettre la tristesse au carré : “tu vois, nous sommes tristes tous les deux.” L’émotion de l’enfant est comme engluée dans celle de l’adulte, décrypte Bruno Humbeeck. Cela ne veut pas dire que sa tristesse n’existe pas ! Elle est bien réelle, il est vraiment triste ! Mais ce n’est pas la même tristesse que celle de son papa ou de sa maman.” Et surtout, cette tristesse ne doit pas être instrumentalisée, pour accuser l’autre parent, avec des réflexions comme “Tu vois comme tu le rends triste ! Tu vois ce que tu fais au petit”. 

La bonne réponse à apporter à un enfant en proie à des émotions qui débordent ?  “Tu es triste : on va essayer de te consoler.” “Tu es en colère ? On va essayer de t’apaiser” “Tu as peur ? On va essayer de te rassurer”… Point.”

Cette neutralité est trop difficile à adopter pour vous en tant que parent ?  Le mieux est certainement de lui permettre de se confier à un tiers, qui restera neutre et pourra entendre son émotion sans tout mélanger. “Sans compter que pour l’enfant, il est souvent beaucoup plus facile d’exprimer ses émotions librement à quelqu’un qui ne les utilisera pas !”, rappelle Bruno Humbeeck.

5 – Mon ex ne respecte pas la neutralité de notre enfant. Que faire ?

Votre ex-conjoint implique souvent votre enfant dans vos disputes ? Il a tendance à faire de lui le témoin ou l’arbitre de vos désaccords ? Vous ne savez pas comment réagir ?

“il faut sortir l’enfant de la posture de témoin”, répond Bruno Humbeeck. “Et expliquer à l’enfant, avec des mots très simples qu’il est autorisé à ne pas s’en mêler. Par exemple, en répondant à une phrase comme “Regarde, le petit voit comment tu me traites” par “Le petit, je lui permets surtout de ne pas se faire d’opinion car ce qui se passe là, qui ne regarde que nous.” Il faut le dire devant l’enfant car il sera soulagé qu’au moins un de ses deux parents le mettent en-dehors de cette position de témoin.

Autre solution : faire entrer en scène un troisième adulte. “C’est notamment à ça que sert la position de médiateur qui pourra lui dire : “la souffrance de papa ou de maman, tu peux la ressentir, c’est très bien que tu la ressentes mais elle ne t’implique pas. Tu n’es pas obligé de prendre position dans tout ça.” 

Dernier conseil du psychopédagogue : “Essayer de ne pas en vouloir au parent qui ne peut pas rester neutre à ce moment-là de la séparation. Certains ne sont tout bonnement pas en position de le faire parce qu’ils sont vraiment désespérés… Comme leur monde s’effondre, ils ont souvent l’impression que tout le monde vit l’effondrement de leur monde. C’est alors difficile pour eux de mettre leur enfant hors champ. Dans ce cas, c’est donc au parent qui est le moins en difficulté à ce moment-là de le faire… quitte à demander l’aide de professionnels pour être soutenus dans cette démarche.”

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.