Au bout de 23 ans de famille recomposée, j’ai dit “stop !
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Au bout de 23 ans de famille recomposée, j’ai dit “stop !”

Les enfants grandissent, font leur vie, quittent la maison… mais parfois, les difficultés de la famille recomposée demeurent. Voire s’accentuent. Marie a ainsi craqué au bout de 23 ans passés à s’effacer et à arrondir les angles. Cette belle-mère a enfin osé poser ses limites, sous son toit, mais se demande comment son couple le surmontera. Témoignage

“Nous nous sommes rencontrés avec mon mari alors que nous avions tous les deux passés la quarantaine. Il avait 3 enfants et moi un ado de 13 ans. J’étais veuve depuis 3 ans, j’avais accompagné mon précédent mari pendant une longue maladie… et à l’époque, je n’avais pas vraiment la tête à refaire ma vie. Ma priorité, c’était mon fils, son éducation. Son père était tombé malade quand il avait 7 ans, il l’avait perdu à 10… Je pensais surtout à lui et  je n’étais pas prête à me remettre en couple.

Sauf que la rencontre a été fulgurante et que mon conjoint a quitté son domicile au bout d’un mois, à ma grande surprise. A l’époque, nous vivions à 1000 km l’un de l’autre. Il a d’abord commencé par venir me rejoindre de temps en temps. Moi je souhaitais surtout faire les choses bien vis-à-vis de mon fils. J’ai pris le temps de lui expliquer que son papa resterait son papa mais que ma vie de femme pouvait continuer. Que j’avais rencontré quelqu’un mais que cette personne ne remplacerait jamais son père.

Une famille recomposée en déséquilibre

La séparation du côté de mon mari s’est très mal passée. D’ailleurs, ils sont toujours à couteaux tirés après 24 ans. Tant que les enfants n’étaient pas majeurs, ils ont vécu chez leur mère si bien qu’on n’a jamais connu la garde alternée. Nos seuls moments ensemble étaient les vacances en commun jusqu’à ce qu’ils soient adultes. L’aîné qui était ado quand on s’est mis ensemble, a coupé les ponts avec son père pendant 5 ans. 

Pour les enfants, mon mari et moi avons décidé d’un commun accord que chacun exerçait l’autorité parentale sur ses propres enfants. Je ne voulais pas que mon fils sente qu’on lui imposait l’autorité d’un autre homme que son père. Et je n’avais pas non plus très envie de prendre ce rôle auprès des enfants de mon conjoint.

Pendant ces années où ils étaient petits, je me suis beaucoup effacée.J’étais surtout présente pour faciliter les choses : financièrement d’une part, mais aussi pour l’organisation des vacances par exemple. J’avais à cœur de faire en sorte que ses enfants y voient un autre intérêt que juste voir leur père, donc je cherchais des destinations, des activités qui pouvaient plaire à tous. Mais pendant tout ce temps, son ex ne facilitait pas les choses et cela créait un rapport très déséquilibré dans notre couple car il n’y avait pas d’ex de mon côté…

Se positionner face aux beaux-enfants adultes

Les enfants entre eux se sont plutôt supportés, on ne les a jamais vu se disputer (ils avaient dans les mêmes âges). Ils ne se cherchaient pas spécialement, ils ne sont pas devenus amis mais il n’y avait pas de soucis. Mais une fois que ses enfants sont devenus majeurs et qu’ils ont fait leur vie, tout s’est compliqué. Depuis, je n’ai cessé de me sentir niée, peu respectée, jamais remerciée… Ses enfants se manifestaient seulement quand ils en avaient envie, quand ils en avaient besoin. Ils oubliaient parfois son anniversaire. Et que dire du mien ? Ils y pensaient une fois sur 4, peut-être…

A mon initiative, mon mari s’était réconcilié avec son aîné qui vit aujourd’hui dans la même ville que nous. J’en étais ravie. Sauf que quand il passait à la maison, ou que son frère venait pour quelques jours, ils avaient tout deux pris l’habitude de se comporter chez nous comme si c’était chez eux. Ils se servaient dans le frigo, lisaient les courriers. Leur père n’a jamais rien dit. Il a toujours tellement culpabilisé d’être parti qu’il avait pris l’habitude de tout laisser passer. Sauf que cette maison est à nous deux.

Poser ses limites en tant que belle-mère

Tout cela a fini par aboutir à un clash au printemps dernier. Mon mari sortait d’une grosse opération, j’étais épuisée par tous les allers-retours que je faisais depuis plusieurs semaines pour le voir et par l’inquiétude accumulée des derniers mois… Au retour de sa convalescence, j’ai retrouvé ses garçons  à la maison et je les ai entendu faire leurs plans, discuter de ce qu’ils allaient faire le soir, sans jamais me demander si ça collait avec mon organisation à moi, qui habitait là. J’ai osé demander sur la pointe de pieds s’ils seraient là tous les jours, on m’a répondu sèchement que oui.

Ca a été un déclic. J’ai réalisé que je ne supportais plus que ça se passe comme ça sous mon toit. Que j’avais trop accepté de ses enfants, un peu comme si j’avais “absorbé” sa culpabilité à lui. Je n’ai jamais vraiment osé dire “non”…  Mais cette fois, j’ai dit “stop”. Pourquoi accepterais-je, quand ses fils sont à la maison, ce sentiment d’être juste bonne à payer les factures et à faire la bonniche ? Pourquoi continuer à envoyer des messages WhatsApp pour entretenir le lien et tâcher de créer une connivence (ce que j’ai beaucoup fait depuis qu’il y a les petits enfants) alors que ses fils ne me répondent pas. Pourquoi continuerais-je à faire des cadeaux, si on ne me remercie pas ?

Pendant toutes ces années, je me suis sentie invisibilisée. Et ça a duré 23 ans. Mais aujourd’hui, au bout de 23 ans, je crois que je suis arrivée au bout de ce que je pouvais accepter. J’ai beaucoup laissé faire le père, en espérant qu’il intervienne, qu’il dise à ses enfants que leur comportement n’est pas correct à mon égard. Sauf qu’il a beaucoup de qualités.. mais qu’il n’affronte pas les difficultés. 

Je lui ai souvent conseillé d’aller parler à quelqu’un de sa culpabilité, qu’il fallait qu’il arrête de tout laisser passer car je pense que beaucoup vient de là. Mais en vain. 

Le couple à l’épreuve du clash

J’ai fini par avoir comme un flash : je me suis dit que c’est lui que j’ai rencontré, pas ses enfants. Et que si je continuais comme ça, j’allais tomber malade. On a discuté calmement une fois les enfants repartis. Je lui ai dit que je ne voyais pas 36 solutions : s’il n’intervenait pas, je ne voulais plus que ses garçons remettent les pieds à la maison. Ma maison est mon refuge. S’ils viennent et se comportent en terrain conquis, ça ne me va pas. J’ai besoin d’un minimum de respect.

Cette conversation l’a mis très mal, moi aussi. Je pense qu’il a eu peur car notre couple va bien, on s’entend bien, on a de chouettes relations. Et c’est sans doute l’essentiel ! Mais j’ai posé mes limites. Certainement un peu tard, j’en ai conscience. Depuis, j’ai fait ce que j’ai pu : j’ai relancé 3 fois la discussion, j’ai proposé une médiation pour qu’on cherche ensemble une solution… Mais pour l’instant, rien ne bouge. Je sais qu’un jour ou l’autre, il faudra qu’une décision soit prise.

Mais en attendant, je respire.”

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.