La psychogénéalogie au secours des familles recomposées
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La psychogénéalogie au secours des familles recomposées

Des parents, un ou deux beaux-parents, des quasi, des demis ou des frères et sœurs tout courts, sans compter des grands-parents et des cousins en pagaille… Parce qu’une famille recomposée ça peut être difficile à expliquer et à visualiser, un enfant peut vite être perdu. Et peiner à trouver sa place. C’est justement en lui montrant quelle est la sienne dans la famille élargie que la psychogénéalogie peut l’aider à se construire et vivre plus sereinement. Explications avec la psycho-analyste clinicienne Caroline Derumigny.

En quoi la psychogénéalogie peut-elle aider les enfants des familles recomposées ?

Caroline Derumigny : “La psychogénéalogie est intéressante dans le cas des familles recomposées parce que, pour qu’un enfant grandisse bien, il a besoin de savoir d’où il vient. Et pour qu’il “se forme”, il a besoin d’être “informé” de manière claire, simple. Or dans ces grandes familles, ce qui est compliqué, c’est de composer, en plus du schéma “papa maman” que l’on dira “classique” (avec tous les guillemets possibles) – avec des inconnus. Des personnes qui viennent de l’extérieur de la famille d’abord, et qui vont prendre une vraie place dans leur quotidien, sans qu’on leur explique toujours clairement comment ils se retrouvent là, dans leur vie, dans leur famille… De manière générale, pour un enfant, plus on éclaircit d’où il vient, mieux il se sentira. Et la psychogénéalogie permet justement cet éclaircissement des origines.”

Psycho-analyste clinicienne, Caroline Derumigny est intervenante et formatrice professionnelle au Centre de Rééducation Professionnel de la fondation Edith Seltzer Chantoiseau à Briançon sur différents thèmes psychologiques, éducatifs et sociaux, touchant enfants, adolescents et/ou adultes ayant un handicap ou des troubles psychologiques variés. 

Elle anime aussi régulièrement des conférences et une émission de radio autour du développement personnel et de la psychologie. Elle est enfin la créatrice du programme de psychogénéalogie « Des Racines et vous », dont est tiré le livre du même nom.

Pourquoi c’est si important pour un enfant, même petit, de connaître son histoire familiale ?

Caroline Derumigny : “En fait, les psychologues se sont aperçus qu’un enfant, même en famille nucléaire “ordinaire”, qui manquerait de repères pour savoir d’où il vient et qui il est, risque de manquer de sécurité, peut développer des difficultés de réflexion ou d’apprentissage, ou encore connaître des troubles du développement psycho affectif.

En réalité, moins l’enfant sait d’où il vient, moins on parle de ces sujets à la maison, plus il y a de flou et de risque que l’enfant devienne le symptôme du mal-être des parents. Et vu qu’il n’a pas toujours le moyen de dire son mal-être, il va l’exprimer par son corps et ses comportements. Par exemple, il va se révéler renfermé, agressif ou en décalage par rapport à ce qui est attendu de lui. Ses comportements vont souvent traduire ce qu’il ne comprend pas à la maison. Certains psy ont ainsi remarqué que ces enfants du “flou” développaient des difficultés de plusieurs types, mais au final assez récurrentes : 

  • inadéquation du système de rangement 
  • troubles émotionnels (notamment des émotions disproportionnés)
  • troubles DYS
  • difficultés spatio-temporelles
  • développement d’angoisses
  • absence de plaisir dans l’apprentissage
  • absence de projections dans l’avenir 
  • enfant et adolescent en marge.

Et ce n’est pas si étonnant : le premier espace dans lequel l’enfant évolue et trouve une sécurité affective, c’est son milieu familial. Ensuite, quand il grandit, il va “l’additionner” à son milieu scolaire, puis amical, etc… Si ses bases – qui relèvent de sa famille – ne sont pas claires, rien dans sa vie ne le sera. Et cela peut beaucoup l’affecter.

Comment se fait le travail en psychogénéalogie avec des enfants qui vivent en familles recomposées ?

Caroline Derumigny : L’enfant, entre 0 et 14-16 ans environ, va connaître un développement psycho-affectif, physique, hormonal… Il est en pleine construction. L’idée n’est donc pas de l’assommer avec des notions de psychogénéalogie mais plutôt de lui montrer qu’il est unique, au sein d’un tout, et que tout le monde est uni vers lui. Cela permet de passer un message simple – mais pas toujours partagé de façon explicite – qui consiste à lui dire : “oui, tu fais partie d’une famille ! Même si elle est recomposée, même si ça paraît un peu le bazar !”

Pour cela, on va travailler en général sur un arbre généalogique, qui va venir remettre de l’ordre dans le bazar apparent. Qu’est-ce que cet arbre généalogique ? C’est ce qu’on fait sur les sites internet comme Geneanet : on va renseigner sur un schéma en forme d’arbre des éléments très concrets, un peu comme pour établir une type fiche identitaire. On va “poser” le père, la mère, les grands-parents, les frères et sœurs, les cousins, les beaux-parents, leurs enfants… Et l’enfant lui-même. Avec pour chacun : nom, prénom, date de naissance et date de décès éventuellement. On ne va pas chercher plus loin ! Mais cet exercice simple va permettre de poser la famille de manière visuelle. A quoi ça sert ? Psychiquement, l’enfant va se dire qu’il a une place. Même s’il y a recomposition, il va se stabiliser dans une lignée et une chronologie. Cela peut être très utile.

A lire : Des Racines et vous

Comment revisiter le passé, celui de nos ancêtres, pour savoir qui on est et mener une vie sereine, qui nous ressemble ? Avec ce guide, décryptez votre arbre généalogique et découvrez des exercices pratiques sous forme de journal intime pour explorer le potentiel de la psychogénéalogie et vous reconnecter à vous-même.

“Des racines et vous”, de Caroline Derumigny, Hugo New Life, A commander ici

Et à tout hasard, est-ce que la psychogénéalogie peut aider les parents, également, dans leur recomposition ?

Caroline Derumigny : Oui, mais de manière différente. Avec les enfants, on va travailler l’aspect de la recomposition pour éclaircir sa place : éclaircir d’où il vient, éclaircir où il est, pour éclaircir où il va. Avec les parents, on va plutôt demander : “avez-vous compris pourquoi vous vous êtes séparés ?” Une question qui peut déranger mais souvent, les parents qui ont vécu une séparation réalisent rarement que leur vision du couple est en partie héritée de l’image que leur famille leur a donnée. Et cela se travaille avec d’autres outils, plus poussés, comme le génogramme et le génosociogramme.

Le premier, le génogramme, sert à mettre “cartes sur table”. Ce support-là va permettre de libérer la parole.  Par exemple, si vous n’arrivez pas à vous maintenir dans une relation conjugale stable, il s’agira de regarder les liens transgénérationnels en posant ce genre de questions : “Vos parents ont-ils divorcé ? Comment ça s’est passé ? Est-ce qu’il y a eu de la violence ? Comment avez-vous vécu l’arrivée de votre belle-mère?” Et on remonte petit à petit le cours de l’histoire : “En quelle année se sont-ils séparés ?” 

C’est un travail qui nécessite de toujours remettre dans le contexte : “pourquoi vos parents ont-ils divorcé ? Quid de leurs propres parents : avaient-ils divorcé aussi ? Avaient-ils été victimes du chômage ? De la maladie ? Avaient-ils rencontré des difficultés à avoir un enfant ?” C’est un travail qui relève du transgénérationnel : on vient discuter de faits très concrets.

Le travail sur le génosociogramme, en revanche, relève davantage de la psychanalyse. De quelque chose de plus spirituel : on va étudier des lapsus, des rêves, de la projection, du symbolisme. Comme on ne peut pas inventer le passé, on va simplement émettre des hypothèses pour comprendre les événements passés et la vie de nos ancêtres. Maladies, prénoms, dates qui se répètent (on parle de “syndrome anniversaire” pour évoquer un événement ou une date dans le passé, qui ne nous appartient pas toujours, mais qui vient se répéter dans notre vie)… Ces points vont permettre d’échafauder des hypothèses à discuter ensuite avec le thérapeute, et qui vont, sans que l’on sache vraiment comment, déboucher sur un travail thérapeutique. Comme avec les enfants, cela permet de savoir d’où l’on vient, pourquoi on vit certaines choses de telle manière et souvent, aussi, de lever certains blocages.

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.