5 mauvaises raisons de faire un enfant en famille recomposée
S’il y a 1001 merveilleuses raisons d’offrir au nouveau couple et à la famille recomposée un enfant commun, il existe aussi des motivations moins louables à lancer un projet bébé ! Héritières d’idées reçues ou de rivalités douloureuses, elles ne devraient exercer aucune pression sur le désir d’enfant du couple. Et pourtant…
Merci à Emmanuelle Drouet, psychologue et autrice, pour son éclairage
1 – Ce bébé va enfin souder la famille recomposée !
“On va enfin être une famille !” pouvez-vous penser… Sans enfant “à nous”, pas de “vraie” famille ? C’est un sentiment assez largement partagé. L’envie de “refaire” famille autour d’un bébé à soi, quoi de plus naturel ?
Surtout que dans les faits, c’est parfois vrai, le nouvel enfant devient souvent le trait d’union naturel entre les deux anciennes familles, entre des fratries qui n’avaient jusque-là rien en commun mais qui vont désormais partager un petit frère ou une petite sœur.
Le problème ? C’est faire porter une sacrée responsabilité à ce petit humain qui n’est pas encore né ! Car c’est le destiner à être un pont entre deux rives, un agent de paix entre deux clans… Bref, l’assigner à une place et une mission peu évidentes alors qu’il n’a rien demandé !
2- Moi qui ne suis pas encore mère, je vais enfin être respectée !
Qu’il est tentant pour les belles-mères qui n’ont pas d’enfant et ne trouvent pas leur place dans la famille recomposée, d’espérer qu’un bébé leur apporte, en les faisant mères, la légitimité et le respect dont elles ont l’impression de manquer.
Et c’est parfois vrai, les enfants qui peinaient à investir leur belle-mère jusque-là peuvent lui laisser plus de place et la considérer différemment une fois qu’elle est devenue la mère de leur petit frère ou de leur petite sœur.
Le problème ? L’arrivée d’un nouvel enfant vient toujours bousculer la place de chacun et par un subtil jeu de domino, faire vaciller toute la famille recomposée. Bref, rien ne sera vraiment comme avant ! La belle-mère ou le beau-père qui espérait trouver enfin sa place risque en être pour ses frais et faire face à une nouvelle dose d’incertitude, de questionnements… Souvent momentanés mais toujours un peu déstabilisants !
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Emmanuelle DROUET (@peripepsy sur instagram) est psychologue clinicienne depuis 20 ans. Maman et belle-mère, elle vit à Vincennes en famille recomposée.
En parallèle, elle écrit des romans dont le dernier, L’écho des souffrances silencieuses vient de paraître aux éditions Jouvence.
3- Ma première famille a échoué. Ce bébé va prouver que j’ai réussi la nouvelle !
Qui n’a jamais connu, après un premier échec cuisant, la volonté de se rattraper ? De réussir à tout prix, de compenser le temps perdu pour montrer que finalement tout finit bien ? Or dans l’imaginaire collectif, être un couple qui fonctionne bien, être un couple heureux, cela passe par le fait d’avoir un enfant.
Le problème ? Cette réaction très humaine pousse certains à se lancer dans une grossesse très vite. Et peut-être trop vite. Parce que le couple ne se connaît pas encore assez, parce que les cicatrices des histoires précédentes ne sont pas encore refermées, parce que la passion des premiers mois peut s’avérer trompeuse, aussi, parfois… Bref, un bébé ne peut être l’ultime trophée au tableau de la famille réussie. Recomposée ou non, d’ailleurs. Parfois, quelques mois de réflexion ne seront pas de trop pour faire le point – le plus objectivement possible, même si ce n’est pas évident – sur son couple et son désir d’enfant.
4- Son ex-femme ne sera enfin plus la seule à lui avoir donné un enfant !
Elle avait une longueur d’avance, la première femme de notre homme ! Souvent c’est sa première grande histoire, la première qu’il a épousée, la première, surtout, avec laquelle il a connu l’attente d’un bébé, l’accouchement, le fait de devenir parent. Et qu’elle est douloureuse et difficile à accepter, parfois, cette position de “seconde” dans la vie de l’homme qu’on aime !
C’est parfois la volonté, parfois bien inconsciente, de se mettre au même niveau qu’elle en lui donnant un enfant, qui pousse certaines femmes à désirer un enfant pour le couple. Pour enfin rattraper son retard par rapport à l’ex, annuler son privilège, effacer sa longueur d’avance. En un mot, être à égalité avec elle. Ici aussi, c’est un comportement très humain, qui parle aussi d’un sentiment très fort d’insécurité quand on est celle avec qui notre homme recompose.
Le problème ? C’est que la réassurance et l’apaisement qu’on espère en faisant cet enfant ne seront peut-être pas au rendez-vous. Car si c’est l’insécurité qui nous pousse vers cette grossesse, l’arrivée du bébé ne suffira pas à nous rassurer complètement. Car quand on est avec quelqu’un qui a déjà un enfant, on peut avoir la peur ou la sensation que pour l’autre, le fait de concevoir un enfant, est toujours moins fort que pour soi. Que l’autre a forcément une impression de déjà-vu et que l’on soit seule dans l’éblouissement de la première fois.
Résultat, bien souvent, on finit par ressasser tout autant notre place de seconde qui, même alors, nous collera à la peau : “Sa première femme, elle, a pu connaître ça avec lui ! Ils ont pu partager ce moment ensemble, totalement en osmose. Alors qu’avec moi, il se réjouit moins, c’est simplement la répétition de ce qu’il a déjà connu. En moins fort.”
Bref, retour à la case départ.
5- Si je ne lui fais pas un enfant, il/elle va me quitter !
Faire un enfant pour garder l’autre peut bien souvent être tentant dans une vie de couple. Surtout quand il y a une différence d’âge ou que l’autre n’a pas encore d’enfant : “Allez, je lui fais un enfant parce que tôt ou tard, elle en voudra un”. Mais aussi quand on craint que l’autre prenne ses distances voire carrément le large : “Avec un enfant, je l’attache à moi. Il ne pourra plus me quitter”. Ce n’est guère mieux quand le couple commence à battre de l’aile et que l’idée d’un enfant semble être la solution miracle pour rallumer la flamme (et surtout éviter les sujets qui fâchent).
Quel que soit le cas, ce n’est jamais une bonne idée en soi. Tout simplement parce que cela ne vient pas répondre à la seule vraie question qu’il convient de se poser avant de lancer un projet bébé, quelle que soit sa situation, à savoir : “Est-ce que j’ai vraiment envie d’avoir un enfant avec lui/elle maintenant ?”.
L’idéal ? Prendre le temps pour pouvoir faire le point sur son désir d’enfant et ce dont il se nourrit, d’abord avec soi-même puis à deux, sans pression, illusion, arrière-pensée ni faux-semblant. Et bien souvent, ce n’est pas si évident !
Retrouver tous nos articles sur ce sujet dans notre dossier spécial Faire un bébé en famille recomposée